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Benjamin Anderson
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Mer 13 Juin - 22:42

OUR ADVENTURE



Les humains sont de trois caractères : les meneurs, les suiveurs et les affranchis. Ces derniers, qui refusent d'obéir et s'interdisent de soumettre, se condamnent à la solitude et n'inspirent que critiques à ceux qui les envient secrètement.  



ONLY WITH YOU

Sécher tous les cours de la journée et s'inviter dans un club dans lequel je ne suis pas inscrit : Check.

Je pousse la porte de la salle du club d'échecs avec une étrange appréhension. Je ne veux pas reconnaître que Chris puisse avoir raison au sujet de John. Ce serait ridicule. C'est un homme et de ce fait, je n'éprouve aucune attirance pour lui. Du moins... Aucune attirance sexuelle. Je n'arrive pas à croire que je puisse être idiot au point de m'attacher à la seule personne avec qui je ne veux pas coucher. Ce n'est pourtant pas faute de rencontrer du monde. De sortir avec des femmes sublimes. Mais non. Elles sont insipides. Fades. Aucune ne me fait ressentir ce que John me fait ressentir. Merde. Chris a raison. Il faut toujours que je fasse mon intéressant, même avec mes sentiments. Surtout, ne rien faire comme les autres, sinon la vie serait trop simple. J'en ai vraiment marre d'être un connard.

J'enlève ma veste en cuir et me dirige vers John. Il est, bien évidemment, le premier arrivé.

"Avant que tu ne fasses la moindre remarque, sache que désormais, grâce à toi, je sais jouer aux échecs et que même si je n'ai pas eu envie de m'inscrire dans ce club parce qu'il ferait tache sur mon CV de vilain garçon, je peux jouer... Ou au moins, essayer."

Je souris en m'asseyant en face de lui. Je pose la main gauche sur mon coeur et lève la main droite.

"Je te promets que je ne perturberais absolument pas l'ambiance morne et lugubre de cette activité destinée à aspirer la moindre parcelle joie en chacun de nous. Sauf, si tu me le demandes."




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Jonathan Around
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Jeu 14 Juin - 2:09

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Le problème, ce n'est pas la douleur. La douleur ça te fait souffrir, mais ça ne te détruit pas. Le problème c'est la solitude engendrée par la douleur. C'est elle qui te tue à petit feu, qui te coupe des autres et du monde. Et qui réveille ce qu'il y a de pire en toi.



ONLY WITH YOU

Enfin seul.

Le bruit, toute cette agitation pour rien... Quel calvaire. John était obligé de se concentrer d'avantage dans ces moment-là, cela gâchait une énergie précieuse. Le jeune homme poussa un soupir pour faire taire cet agacement qui bourdonnait dans sa tête. Encore une heure obligatoire et inutile puis, enfin, la délivrance. Heureusement, certains élèves n'étaient pas trop mauvais aux échecs. Quelle plaie d'être le président d'un club aussi stupide, tout cela pour que John s'intéresse d'avantage à la vie étudiante à laquelle il « ne prenait pas assez partie. » Et alors ? Cela ne changerait la vie de personne, à part celle de John. Car ce club le dérangeait et empiétait sur son temps personnel.

John sortit un échiquier qu'il déposa sur une table et s'assit seul en attendant les autres élèves du club. Il espérait qu'ils ne viendraient pas ce soir. Après tout, c'était le premier jour, ils pouvaient bien décider de ne pas venir ici. John s'en fichait. Mais cela le faisait venir pour rien. Alors l'un dans l'autre... Il s'apprêtait à commencer une partie solitaire lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir. Il tourna la tête et ses yeux tombèrent sur Ben. Que faisait-il ici ? De mémoire, il n'était pas inscrit à ce club. Et quand bien même, il n'y aurait certainement pas sa place. Sa présence eut au moins l'effet d'intriguer le jeune homme qui lui lança un regard interrogateur, sourcils haussés. Son congénère déposa sa veste sur une chaise, comme s'il se préparait à réciter un texte digne d'un grand orateur. Avait-il préparé un plaidoyer justifiant sa présence ? Amusant. Mais Ben n'était pas vraiment du genre à préparer quoique se soit, surtout pas un plaidoyer.

John tiqua à sa formulation. Je sais jouer aux échecs. Il allait un peu vite en besogne. Grâce à John, Ben connaissait surtout les bases. Mais de là à savoir jouer... En le regardant s'asseoir, John tenta de conserver son sérieux mais un sourire trahi son amusement. Il baissa légèrement la tête, qu'il secoua.

« Parce que tu penses que je suis heureux d'animer cette garderie pour enfants matheux ? C'est une perte de temps considérable. Je pourrais faire des choses bien plus intéressantes, mais non, je suis coincé ici avec des gens comme toi, qui pensent savoir jouer aux échecs. » John marqua une pause réflexive. « Erratum. Toi, tu as le mérite de me faire sourire. »

John était tout de même surpris de sa présence ici.

« L'été en ma compagnie ne t'as pas suffit, il faut que tu viennes jusqu'ici pour jouer aux échecs ? Mais je suppose que c'était le moyen le plus direct pour me voir. Tu avais quelque chose à me dire en particulier ? »

John avança son pion, marquant le début de la partie.



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Jeu 14 Juin - 2:42

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Les humains sont de trois caractères : les meneurs, les suiveurs et les affranchis. Ces derniers, qui refusent d'obéir et s'interdisent de soumettre, se condamnent à la solitude et n'inspirent que critiques à ceux qui les envient secrètement.  



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Le voir sourire m'apporte une satisfaction des plus délicieuses.

C'est un peu comme gagner une médaille. John sourit encore moins que notre professeur d'éducation physique. Ce qui n'est pas peu dire. Heureusement que je possède un don inné pour amuser la galerie. Moins que Chris évidemment, mais Chris est un génie dans son domaine et j'apprends tous les jours à ses côtés. Je bouge un pion, un peu au hasard, je dois l'admettre. Si John est un professeur formidable, je reste un élève médiocre. Ses enseignements ne sont pas restés gravés dans ma mémoire. Mais, je suppose que ce sera plus drôle de cette manière.

"C'est la toute première fois que j'entends quelqu'un me ranger dans la même case que des intellos coincés. Mais je suis ravi de savoir que parmi tous ces idiots, je suis ton préféré."

Je lui souris à mon tour. Je n'ai aucune idée derrière la tête. Comme d'habitude. Mon talent à moi, c'est d'intervenir sans y être invité et de faire n'importe quoi. Rien n'est jamais réfléchi. C'est ma devise. Je le laisse jouer, avant d'ajouter :

"Je n'en ai jamais assez de ta compagnie. Elle est rafraîchissante. Et, aussi étrange que cela puisse te paraître, je n'ai besoin d'aucune raison pour venir te voir. Mais si tu y tiens. Je peux m'excuser de ne pas avoir pu perturber tes cours aujourd'hui."

Je me penche sur la table et me rapproche de lui. Je l'invite à faire de même et lorsqu'il s'exécute, j'avance habilement mes pions sur le plateau en faisant en sorte qu'il ne le remarque pas et je chuchote :

"En vérité, je suis Batman et aujourd'hui, le Joker a attaqué un hôpital dans le centre-ville. Mon fidèle acolyte Robin et moi-même avons été dans l'obligation de sécher les cours pour sauver tous ces braves gens. Mais, je compte sur ta discrétion."

Je me redresse, comme si de rien n'était et je lui souris joyeusement.




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Lun 18 Juin - 1:15

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Le problème, ce n'est pas la douleur. La douleur ça te fait souffrir, mais ça ne te détruit pas. Le problème c'est la solitude engendrée par la douleur. C'est elle qui te tue à petit feu, qui te coupe des autres et du monde. Et qui réveille ce qu'il y a de pire en toi.



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Pourquoi tenait-il autant à traîner avec lui ?

D'ordinaire, personne ne recherchait la compagnie de John. Trop condescendant. Trop solitaire. Peu bavard. Mais Ben, lui, au contraire, provoquait leurs rencontres. Etait-ce parce qu'il parlait pour deux ? Que derrière ses airs naïfs, un peu rebelle, se cachait un jeune homme plein de curiosité, de soif d'apprentissage ? Ou bien cherchait-il simplement à combler un manque affectif auprès de quelqu'un qui, visiblement, n'avait aucune affection à offrir ? Tout cela à la fois, peut-être. John ne savait qu'en penser. La psychologie humaine était un vaste domaine. Bien trop complexe pour être appréhendé et compris entièrement. Il se contenta de bouger une autre pièce d'échec à la suite de Ben.

« Il est vrai que tu sèches régulièrement. Vous avez fait mouche, Christopher et toi, pour le tout premier cours de l'année. Ainsi que pour les suivants. » Il ne s'agissait ni d'un reproche, ni d'une approbation. C'était un fait, tout simplement. « Malgré tout, tu t'en sors avec un bulletin correct, si je ne m'abuse. Pas brillant, certes. Mais correct. Mais tous les cours et les savoirs dispensés en cours ne sont pas fondamentalement utiles. En vérité, plupart sont même soporifiques et peuvent s'apprendre dans les livres ou sur le terrain si on s'intéresse un minimum à un sujet en particulier. »

John apprenait certaines choses en classe, il fallait l'admettre. Il ne se targuait pas encore d'avoir la science infuse. Mais la plupart de ses connaissances n'étaient pas issues de leçons apprises par cœur et recrachées toutes crues sur une feuille à carreaux. Loin de là. Alors que John réfléchissait vaguement à cela, il observa Ben, un instant, se pencher dans sa direction sans trop comprendre où il voulait en venir avant de saisir son intention. Le jeune homme se pencha donc à son tour vers son congénère pour accueillir son secret. Un secret qui le laissa perplexe.
Peu de personne réussissait à surprendre John, ou à la désarçonner. Ben, lui, y parvenait à la perfection. La surprise passée, un nouveau rire franchit les lèvres du jeune homme qui secoua la tête, hésitant entre amusement et désespoir. Le désespoir navrant que l'on a pour les causes perdues.

« Je pourrais te dire que si tu mettais autant d'énergie dans tes histoires qu'à être assidu en cours tu remporterai un prix... Mais je n'en ferais rien, car ce n'est pas vrai. Il n'y a aucun mérite à être le meilleur à l'école. Ca ne veut rien dire. Alors tu peux bien aller désamorcer des bombes dans un hôpital si cela te chante. Je n'en soufflerai pas un mot. »

Ridicule. Voilà qu'il suivait une métaphore dénuée de sens. Il n'eut pas le temps d'ajouter autre chose, de toute façon. Des élèves du club entrèrent. L'un d'eux sembla surpris de trouver Ben attablé face à John pour une partie d'échec.

« Qu'est-ce que tu fais là, Anderson ? Tu as appris à réfléchir ? »
« Ce qui n'est sûrement pas le cas de tout le monde...» répliqua John.





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Lun 18 Juin - 14:54

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Les humains sont de trois caractères : les meneurs, les suiveurs et les affranchis. Ces derniers, qui refusent d'obéir et s'interdisent de soumettre, se condamnent à la solitude et n'inspirent que critiques à ceux qui les envient secrètement.  



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John n'imagine même pas à quel point il est intéressant. À quel point il est différent des autres.

À quel point il est différent de moi. Les tracasseries des adolescents lui passent au-dessus de la tête. Les soirées, la popularité, le sexe. Tout ce que moi, je fais avec délectation, lui, il s'en désintéresse. Il a raison. Au fond, qu'est-ce que tout cela m'apportera de plus pour le futur ? Rien. John préfère ne pas perdre son temps en futilité. Pour ma part, je choisis au contraire de ne le dépenser qu'en actes puérils et inutiles. Nous n'avons rien en commun et pourtant, j'adore sa compagnie presque autant que celle de Chris.

Je sais qu'il ne me juge pas. Sécher est devenu banal au lycée. Et puis, il vaut sans doute mieux pour les professeurs que Chris et moi leur épargnons notre présence. De cette façon, aucune chance que nous perturbions quoi que ce soit. Un peu plus sérieusement cette fois, je joue mon tour. Si John me bat en deux minutes, ce ne sera amusant ni pour moi, ni pour lui. Je lui souris. C'est exactement parce que je peux apprendre en dehors des cours que je maintiens ma moyenne à un niveau correct. Et aussi parce que je possède un don pour les mathématiques, mais cela, je ne peux pas y faire grand chose.

"Je suis ravi d'entendre que tu partages mon avis sur les cours et les connaissances. En fait, je suis bien plus efficace lorsque je m'instruis seul. Personnellement, tant que je ne fais pas moi-même les expériences, je ne retiens aucune leçon."

Je m'enfonce dans mon siège. Je sais qu'il ne rit pas en règle générale, donc le voir se comporter aussi gaiement avec moi est une satisfaction. Faut dire aussi qu'il n'a pas beaucoup d'amis en mesure de le faire rire. Je peux le comprendre. Il trouve refuge dans la solitude quand moi je préfère m'entourer, même de manière superficielle, pour oublier que je suis seul. Chacun sa façon de noyer ses démons. Je lui fais un clin d'oeil, pour lui faire comprendre que je le remercie de ne pas dévoiler mes secrets. J'aimerais réellement être Batman. Non pas pour sauver des vies, mais pour le challenge. Pour l'aventure. John pourrait jouer le rôle d'Oracle. En beaucoup moins énervant. Ce serait amusant...

Avant que je ne puisse ajouter quoi que ce soit, les autres élèves du club entrent. Perplexe face à cette attaque verbale dénuée de sens, je hausse un sourcil. Mais, c'est John qui lui répond le premier. Le simple fait qu'il prenne ma défense m'emplit de joie. Il n'imagine pas ce que cela signifie pour moi. J'ai la sensation d'être devenu son ami, et avec lui, ce n'est pas une mince affaire. Pour ne pas briser cette nouvelle amitié, je décide de ne pas déclencher d'incident. Je ne voudrais pas que John m'en veuille alors que pour une fois, je n'ai provoqué personne.

"En effet, parce qu'il faut être vraiment stupide pour venir me provoquer. Je suis d'excellente humeur, as-tu réellement envie d'être celui qui va gâcher ma journée ? Ce serait franchement trop bête de mettre en péril ta dernière année de lycée parce que tu n'as pas tourné sept fois ta langue dans ta bouche avant de m'adresser la parole."

Je le vois hésiter, alors je lui souris. Mon père est ministre, déjà, à la base, cela impressionne n'importe quel fils de patron. Et j'ai moi-même assez de connaissances pour faire de sa vie un enfer. Pas seulement en le faisant tabasser à la sortie. Mais bien en le faisant virer ou en lui créant une fausse réputation honteuse. À ce niveau-là, je suis un véritable génie du mal. J'essaie de ne pas en abuser. Mais, c'est toujours un plaisir de menacer et d'être obéi. Je comprends mieux ce que mon père a toujours essayé de faire avec moi, et qui n'a, malheureusement, jamais fonctionné.

"Ouais, ça va. C'est bon."
"Je ne crois pas avoir entendu tes excuses."
"Désolé... Connard."

À peine surpris, je lui souris. Alors qu'il se retourne pour rejoindre une autre table, je lui fais un croche-pied. Il a juste le temps de poser ses mains devant lui avant que son nez ne rencontre le sol.

"Oh, excuse-moi. J'espère que tu ne t'es pas fait trop mal. À mon avis, c'est le karma, désormais, je vais considérer que nous sommes quittes."

Il se relève, fou de rage. Me fusille du regard, puis s'éloigne sans rien ajouter. Je souris à John.

"Si je perds la partie, ce sera de sa faute. Il m'a perturbé en pleine concentration..."

Je bouge un cavalier sur le plateau.

"Je suis navré d'avoir provoqué une telle réaction chez les petits membres de ton club. Il faut croire que je n'ai pas très bonne réputation, pourtant ce n'est pas faute de me montrer bienveillant ! Je souris tout le temps, que leur faut-il de plus ? Et puis, quand je pense que j'ai les meilleures notes en maths, ces intellos coincés pourraient me respecter un peu plus que ça, je marque une pause et je reprends un semblant de sérieux, S'ils ne m'apprécient vraiment pas, je ne reviendrais plus. Je ne voudrais pas que tu aies des ennuis par ma faute."




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Mer 20 Juin - 3:30

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Le problème, ce n'est pas la douleur. La douleur ça te fait souffrir, mais ça ne te détruit pas. Le problème c'est la solitude engendrée par la douleur. C'est elle qui te tue à petit feu, qui te coupe des autres et du monde. Et qui réveille ce qu'il y a de pire en toi.



ONLY WITH YOU

Fallait-il toujours en arriver aux menaces ?

Parfois, oui. Les menaces semblaient être la seule option valable. Cela ennuyait fort Jonathan qui préférait de loin mettre ses interlocuteurs mal à l'aise en les rabaissant à leur juste place. Mais la méthode de Ben avait son charme et son fonctionnement. Après tout, il fallait user d'une certaine rhétorique pour que la menace fonctionne. Et on ne pouvait pas dire que le jeune homme en manquait. John, les bras croisés, se contenta donc de fixer rondement l'éhonté qui avait perturbé leur partie d'échec. Tout cela pourquoi d'ailleurs ? Se moquer et essayer de prouver à tout le monde sa supériorité ? Allons bon. Le lycée fonctionnait par cases. Et lorsqu'on était dans celle des intellos coincés, on avait la décence de ne pas provoquer un fêtard populaire.
John, lui, se considérait hors catégorie. Peut-être l'avait-on rangé dans la case des intellos coincés et des solitaires mais cela lui passait au-dessus de la tête. Lui, il était ici par obligation. Il aurait préféré étudier chez lui, seul, derrière une pile de livres toujours aussi grande. Mais c'était malheureusement impossible, et, au fond, il appréciait la pause que lui permettait l'internat. Mais les problèmes de lycéens, les fêtes, les conventions sociales, la mascarade qui allait avec... Tout cela lui passait au-dessus de la tête.

En tout cas on ne pouvait enlever son orgueil au jeune homme qui, s'il fut impressionné par les propos de Ben, ne se gêna pas pour ponctuer ses excuses d'une insulte. Il fallait l'admettre, elle était bien placée. John resta immobile, les bras croisés, observant la situation d'un œil ennuyé. Ne pouvaient-ils pas cesser de jouer aux coqs ? Bien sûr que non. Cela aurait mis en péril la vision des autres sur leur autorité, et donc en péril la vision qu'ils avaient d'eux-mêmes. Pourtant, John se doutait que Ben n'était pas aussi stupide que ça. Il y avait autre chose au fond de ce jeu de rôles. Heureusement, Ben joua sur la subtilité et l'innocence. Cela le caractérisait bien. Le perturbateur se retrouva face contre terre sans que cela déclenche un esclandre au sein du club. Tant mieux. Le cas échéant, il aurait fallu expliquer la pagaille. Un ennui supplémentaire. Ben savait se tenir. Un bon point.

Et puis, comme si de rien n'était, la partie reprit son cours. John jeta un regard en coin en direction de la table à laquelle s'était installée leur camarade. Il allait devoir lui toucher deux mots, à un moment donné. En tant que Président du club, il ne pouvait pas laisser passer ce genre de provocations. Ben, lui, ne faisait pas partie du club. Il se contenterait donc de perdre la partie en gage de punition. Ce qui serait arrivé dans tous les cas.

« Allons bon... Nous savons tous deux que traîner avec toi est synonyme d'ennuis. Si ce n'est pas ici, ce sera ailleurs. En revanche, tu comprendras que je ne peux pas tolérer insultes et provocations ici... Sinon, ça risque de remonter et je vais devoir rendre des comptes. Ce qui serait d'une perte de temps considérable. Ce club est assez inutile comme cela... Donc, lorsque tu auras perdu la partie, je te serais gré de ne plus revenir. Si les échecs te manquent tant, tu n'as qu'à me demander mes heures de libres plutôt que de faire dix fois le tour de toutes les salles. »

John ne laissait pas beaucoup de gens piétiner son temps libre. A dire vrai, seul Nathanaël était en droit de le déranger. Et encore. Il n'était pas toujours bien reçu, il fallait l'admettre. Mais Ben avait gagné ce droit durant l'été. Sans pour autant le qualifier d'ami, Ben était ce qui se rapprochait... D'une personne plus intéressante que la moyenne. Probablement.  
Sur ce, John mangea un pion de Ben avec son cavalier.  Il comptait faire durer un peu la partie, ce serait dommage qu'elle se termine trop vite. Discuter avec Ben était la seule chose un tant soit peu divertissante, ici.

« Quant à ta popularité, sache que tu es détesté par la plupart des petits intellos, comme tu les appelles. Bizarrement, ils n'aiment pas trop les faux sourires, aussi charmants soient-ils, et les humiliations. »





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Mer 20 Juin - 15:48

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Ce qu'il ne faut pas faire pour garder sa réputation intacte.

J'apprécie avoir une certaine autorité. Être populaire apporte son lot de satisfaction. Surtout quand, comme moi, on vit dans un environnement qui nous rappelle sans cesse à quel point on n'a aucun pouvoir sur notre monde. Le lycée, c'est le seul endroit où les rôles sont inversés. Je devrais pas m'en réjouir, mais être le carnivore est plus grisant qu'être la proie. Ou tout du moins, faire semblant d'être un carnivore. Je regarde le provocateur et lui fais un clin d'oeil.

Avant de retourner à notre partie. Je hausse un sourcil. Je suis très loin d'être aussi catégorique que John sur ce sujet. Certes, je ne suis peut-être pas l'ami idéal pour les gens qui désirent une vie tranquille et rangée mais, au moins, je suis un ami palpitant. Et, je n'entraîne pas toujours des catastrophes. John et moi n'avons eu aucun problème pendant les vacances. En tout cas, si l'on oublie les policiers qui ont failli nous arrêter pour violation de domicile et la bande d'espagnoles qui a tenté de nous taillader parce que j'avais malencontreusement volé l'un de leur sachet de cocaïne. Tout s'est relativement bien passé. Surtout le passage durant lequel cette cocaïne a fini sa course dans nos veines. Pour une fois, l'expérience était amusante.

"Je trouve injuste d'être renvoyé de ton club dans lequel je ne suis même pas inscrit pour une provocation qui n'est pas de mon fait. Mais je comprends, je soupire... Et je ne suis pas une source d'ennuis, ce n'est pas de ma faute si les catastrophes s'accumulent autour de moi, je dois être né sous une mauvaise étoile !"

L'idée me fait sourire. Il est évident que cette étoile s'est sacrément foutue de ma gueule. Je bouge mon pion. M'autorise-t-il à le déranger pendant son temps libre ? Notre relation vient de faire un bond vers l'avant. J'en suis ravi. Se faire apprécier, ce n'est pas le plus difficile mais j'ai un talent certain pour toujours tout faire foirer. Les amitiés ne durent pas très longtemps dans mon cas... Sauf avec Chris. Peut-être qu'avec John, tout se passera bien.

"Dans ce cas, je veux bien ton emploi du temps parce que j'ai l'intention de continuer à te voir. Par contre, je ne te garantie pas que ce sera pour jouer aux échecs, ce n'est pas très intéressant de toujours perdre nos parties. Personnellement, je suis bien meilleur pour compter les cartes au Poker."

Je regarde John manger l'un de mes pions avec un air circonspect. Je ne suis toujours pas sûr d'avoir bien compris toutes les règles de ce jeu. Qui aurait pu inventer quelque chose d'aussi tordu ? Je relève la tête vers mon camarade. Détesté ? Ces mots sont si blessants. Moi qui me démène pour être un sale con, voilà que je constate que j'en suis un. Splendide. Heureusement que je fais tout cela pour emmerder mon ministre de père (et un peu parce que cela m'amuse), sinon je pourrais vraiment croire que je suis le Roi des Connards. Mais, je remarque que John trouve mes sourires charmants. Donc, tout le reste n'a aucune importance.

"Les humiliations, le terme est un peu fort. Je suis bien loin de faire des trucs aussi sales que la bande des lèches-cul de Damon. Mais, je suis d'accord pour dire que mes sourires sont les plus charmants ! Après réflexion, je bouge une pièce sur l'échiquier. Ils me détestent parce que je me permets tout ce qu'ils n'oseront jamais faire et ils sont persuadés que je m'en sors parce que mon père est ministre. Ils pensent que j'ai une vie toute dorée, que l'été, je profite de notre maison de vacances en Thaïlande et que l'hiver, je vais skier dans les Alpes. Que je peux avoir tout ce que je désire, comme cette voiture extraordinaire garée dans le parking, et que je vis dans l'appartement idéal pour organiser les meilleures soirées de la ville. Je suis ce fils de riche insupportable et intouchable qu'ils ne seront jamais. Évidemment qu'ils me détestent."

Je souris à John. Avec le temps, j'ai fini par m'habituer à cette haine qu'on réserve aux privilégiés. J'ai fini par jouer le rôle qu'ils m'octroyaient sans me connaître. Cela les rassure, de savoir que je suis vraiment tel qu'ils l'imaginent. Un sale con prétentieux sans cervelle, avec beaucoup d'argent de poche.

"L'important, c'est que toi, tu ne me détestes pas."

Je mange un de ses pions. ENFIN.

"Après tout, toi, tu sais très bien ce que j'ai fait cet été et je n'ai pas du tout profité de notre maison de vacances en Thaïlande... D'ailleurs, j'ai été obligé de filer de l'argent aux espagnols, parce qu'ils ont menacé de tuer ma belle-mère. Je ne l'apprécie pas, mais je trouvais que toute cette histoire allait un peu trop loin. Tout ça pour 30g de cocaïne, franchement... "





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Jeu 5 Juil - 2:05

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Le problème, ce n'est pas la douleur. La douleur ça te fait souffrir, mais ça ne te détruit pas. Le problème c'est la solitude engendrée par la douleur. C'est elle qui te tue à petit feu, qui te coupe des autres et du monde. Et qui réveille ce qu'il y a de pire en toi.



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Pas une source d'ennuis ?

John aura tout entendu en compagnie de Ben. A son tour, il haussa un sourcil. S'il n'attirait pas les ennuis, en tout cas il enchaînait les événements qui causaient ces ennuis-là. On ne pouvait pas dire que l'été avait été de tout repos en sa compagnie, au contraire. Mais John ne l'en blâmait pas, cela rendait les choses très intéressantes, moins banales, plus attractives. Au moins, on ne pouvait pas dire qu'on s'ennuyait en sa compagnie ; il avait toujours quelques idées. Des idées qui tournaient mal, mais, au moins, il s'agissait d'expériences passionnantes. Voire amusantes. Ben ne serait sans nul doute jamais quelqu'un de très sérieux, et il se complaisait dans un déni nonchalant : rien n'était jamais de sa faute. La malchance, la mauvaise étoile, les autres qui ne le comprenaient pas ou agissaient mal, etc... Cela faisait son charme, il fallait l'admettre. Et John se doutait, qu'au fond, Ben était assez lucide sur ces situations. Il avait simplement décidé d'ignorer cette lucidité.
Les excuses, c'est toujours plus facile.

« Tu m'en diras tant. » se contenta de ponctuer John pour alimenter la conversation et montrer son scepticisme moqueur, mais pas méchant.

Le Poker. Un jeu intéressant, lui aussi, mais bien plus axé sur le bluff et l'étude du comportement physique. Nathanaël, le frère de Jonathan, était doué à ce jeu-là. John également, mais il ne s'était jamais trop adonné aux jeux de cartes. Cela ne l'intéressait pas pour le moment. Il pourrait probablement se forcer un peu... Probablement. John constata que son adversaire ne jouait pas à son tour. Il redressa donc la tête et lui lança un regard interrogateur. Mince... John espérait qu'il n'ait pas mal prit ses paroles. Le jeune homme avait l'habitude d'être franc et cassant. Parfois cela était voulu, parfois non. Il énumérait simplement les vérités. Mais pour Ben, cela n'était pas fondamentalement méchant, même si la vérité blesse toujours un peu. Et puis, à quoi bon s'en soucier ? Ce qui était dit était dit. John ne se souciait pas des conséquences des mots, d'ordinaire. Pas dans ces cas-là.

« Et ils te détestent aussi parce que tu mets en avant tout ce que tu viens d'énumérer. Tu n'es pas un sale con, pardonne-moi l'expression. Mais tu joues aux sales cons. Et c'est toujours ce qui est joué que les gens perçoivent, pas ce qu'il y a derrière les masques. » John bougea une autre pièce sur l'échiquier. « Cependant, personne n'apprécie vraiment d'être totalement dévoilé. Il y a des vérités gênantes derrière ces masques. » la mine de John s'assombrit et sa main se referma sur la pièce qu'il venait de manger à Ben. « Enfin je le suppose. Tout cela ne m'intéresse pas vraiment, au fond. La plupart des gens sont stupides et ne regardent pas plus loin que le bout de leur nez. Heureux les simples d'esprit. »

John observa l'échiquier alors que Ben, fier de lui, venait de manger un pion à ses risques et périls. Le jeune homme déplaça sa reine.

« Échec. »

La partie n'était pas encore terminé. Ben pouvait encore sauver son roi, mais plus pour longtemps. Encore trois coups, et la partie serait terminée. Cependant, John préféré changer de technique pour la faire durer encore quelques tours supplémentaires. Après tout, ce club d'échec n'était passionnant que ce soir. John retrouva l'ombra d'un sourire en se remémorant cette anecdote de leur été. Tout cela pour un peu de cocaïne...

« Quand je disais que tu attirais les ennuis, ce n'était pas un euphémisme, vois-tu. La prochaine fois, tu ne t'en tireras peut-être pas à si bon compte. Mais je sais que tu n'apprends pas les leçons par l'expérience. »

John secoua la tête, navré.






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Jeu 19 Juil - 22:21

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Les humains sont de trois caractères : les meneurs, les suiveurs et les affranchis. Ces derniers, qui refusent d'obéir et s'interdisent de soumettre, se condamnent à la solitude et n'inspirent que critiques à ceux qui les envient secrètement.  



ONLY WITH YOU


La vie serait tellement plus ennuyeuse si je ne jouais pas les emmerdeurs.

Que serais-je alors ? Un gamin docile, apeuré, en quête de reconnaissance paternelle ? Bien sûr que je porte un masque. Tout comme Ian, qui reporte sa colère et son mépris sur les autres. Tout comme John, j'imagine qu'il cache quelque chose sous sa carapace de misanthrope. Quelque chose de douloureux. Je lui souris. J'ai l'air d'un idiot, les gens ne se soucient pas de moi, de ce qu'ils disent en ma présence. Pourtant, je les perçois tels qu'ils sont. Sinon, comment réussirais-je à les provoquer ? Pour les mettre en colère, il faut les comprendre, les observer, gagner leur confiance. Avec John, c'est différent. Je ne suis pas curieux. J'apprécie ce qu'il est, peu importe la façon dont il l'est devenu. Il est unique, et il me voit. Moi. Derrière le masque.

"Puisque je suis fils de ministre, autant en profiter un minimum. J'ai une magnifique voiture et j'organise les meilleures soirées de la ville. Ce serait dommage de se priver de tout ceci parce que les gens ne supportent pas les fils de riches privilégiés. Mais, je te remercie d'avoir remarqué que je n'étais pas que cela. Pour quelqu'un qui ne s'intéresse pas aux autres, tu es plutôt ... Clairvoyant."

Je soupire lourdement en l'entendant dire "Échec". En vérité, je devrais me sentir flatté qu'il accepte de jouer avec moi. Je suis loin d'être à son niveau et il me préfère à tous les intellos de son petit groupe. Il semblerait qu'en ma compagnie, le jeu n'a plus vraiment d'importance. Il m'apprécie.

"Bien sûr que j'apprends de mes erreurs, je les fais plusieurs fois pour donner l'impression que je suis un parfait idiot. Mais chaque coup est une leçon qui reste gravée dans ma mémoire. J'essaie, je tombe et je me relève. La prochaine fois, ils ne nous prendront pas sur le fait ! "

Je lui fais un clin d'oeil. J'essaie de protéger mon Roi par une manoeuvre désespérée et dénuée de logique. Être imprévisible est bien plus difficile en jeu qu'en réalité. Surtout avec John comme adversaire. Je sais qu'il a prévu tous les coups à l'avance. Le prendre par surprise me parait assez compliqué, mais qui ne tente rien n'a rien.

"Parce que tu seras avec moi la prochaine fois que je déciderai de voler de la drogue à un gang, évidemment. Que ferait Sherlock Holmes sans son fidèle Watson ?"

Dans notre cas, je suppose que John s'apparente plus à Holmes que moi, mais la comparaison me plait bien. Avant qu'il ne joue, je lui souris.

"D'ailleurs, je t'invite chez moi ce week-end et, accessoirement, je fais une soirée vendredi. Ta présence me ferait plaisir, et si tu viens, je promets de ne pas t'abandonner au profit d'une jolie fille. Je sais que ce n'est pas ton truc, mais personne ne te forcera à boire ou à discuter. Et en plus, toi, tu auras l'immense honneur de rester dormir et de passer les deux jours suivants en ma compagnie. Même la plus belle de mes petites-copines n'a jamais eu ce privilège."






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Mer 15 Aoû - 21:40

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Le problème, ce n'est pas la douleur. La douleur ça te fait souffrir, mais ça ne te détruit pas. Le problème c'est la solitude engendrée par la douleur. C'est elle qui te tue à petit feu, qui te coupe des autres et du monde. Et qui réveille ce qu'il y a de pire en toi.



ONLY WITH YOU

La vie sans Ben perdrait inéluctablement de sa saveur.

John n'aurait su dire pourquoi, mais depuis que son camarade avait cherché à tisser une forme de lien amical entre eux, John appréciait la vie d'avantage. Auparavant, il ne faisait que s'instruire et expérimenter. Que faire d'autres ? Et où y avait-il un autre intérêt ? Mais Ben était une source de curiosité et d'expériences infinies. En l'occurrence, John acceptait volontiers de se laisser comparer à Watson, car dans ces aventures, Ben les guidait. A dire vrai, le duo n'était pas très juste. Ben n'avait rien d'un Sherlock Holmes, et John rien d'un Watson. Ils formaient leur propre binôme à part entière. Un duo inédit. Cela était plutôt amusant, il fallait l'admettre.

"Qui te dis que je couvrirais tes arrières ?"

Cela paraissait bien présomptueux. John avait d'autres choses à faire que se mêler aux histoires de gangs. Quelle idée saugrenue... Mais pourtant non dénuée d'intérêt. John n'était pas contre l'idée de consommer certaines substances, tant que cela restait contrôlé. Il pouvait ainsi garder son esprit ouvert, et actif. S'évader, aussi, il fallait l'admettre. Couper court, un bref instant, avec la réalité, le monde, le passé, le présent, le futur.
John posa ses yeux sur l'échiquier afin de revenir à l'instant T. Il réfléchissait aux possibilités de jeu pour que la partie continue encore un peu. Juste assez, en tout cas, pour échapper à cette ennuyeuse soirée où les élèves du club allaient ensuite venir lui parler. Parler pour ne rien dire, surtout. De choses inintéressantes et fades. John leva deux doigts pour se saisir de son cavalier, mais Ben interrompit son mouvement.

John redressa la tête pour le regarder. Pourquoi aurait-il voulu l'inviter à passer un week-end chez lui ? Plus curieux encore : pourquoi l'inviter à une soirée ?

"C'est exactement de ça que je parlais, Ben." la vantardise, encore. Mais c'était son masque. Et John appréciait ce masque. Parce qu'il était l'un des seuls à savoir ce qui se cachait derrière.

Cela ne l'intéressait pas le moins du monde : il y aurait des gens, du bruit, de la musique, de l'alcool à outrance, probablement des drogues douces. Avec cela se mélangeraient les discussions inutiles et badines. Les cris, les rires, les agissements stupides. Des milliards d'autres raisons le poussaient à ne pas se rendre chez Ben ce vendredi soir, et le reste du week-end. Mais une seule le fit changer d'avis.

Il attrapa son cavalier pour revenir à la partie.

"Je ne vois pas l'intérêt de participer à ta fête. Mais soit. Je viendrai."

Après tout, qu'aurait-il fait d'autre ? Il serait rentré chez lui. John préférait encore se rendre à une fête, quitte à s'y ennuyer de pieds fermes. Et, au passage, si cela pouvait faire plaisir à Ben, pourquoi pas.

"Je ne bois pas, je ne discute pas avec les invités. Si je m'ennuie, il y a de fortes chances pour que je m'isole."

Après tout, John connaissait les lieux, désormais. Il avait passé du temps avec Ben durant les vacances d'été.







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Sam 26 Jan - 11:41

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Les humains sont de trois caractères : les meneurs, les suiveurs et les affranchis. Ces derniers, qui refusent d'obéir et s'interdisent de soumettre, se condamnent à la solitude et n'inspirent que critiques à ceux qui les envient secrètement.  



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"Ton sens inné de la justice et de l'honneur t'empêcherait de me laisser tomber dans ce genre de situation. Tu te sentirais obligé de couvrir mes arrières !"

Les gens ne voient en John qu'un homme glacial et cynique. Pourtant, ses qualités sont bien plus grandes qu'il ne le laisse croire. Il possède une loyauté à toutes épreuves, atout dont bon nombre de mes amis sont dépourvus. Dès que l'on rencontre une difficulté, ils disparaissent et je me retrouve seul pour gérer la situation. John ne peut pas m'abandonner à mon sort. Cela irait à l'encontre de ses principes moraux. John est un homme infiniment meilleur que je ne le suis et il ne s'en rend même pas compte. Je suppose que c'est ce qui fait son charme.

Je lui souris. Il ne refuse que rarement mes invitations, la perspective d'une soirée ne l'enchante pas, mais il préfère passer deux jours en ma compagnie, que deux jours chez lui. Bien sûr, il en va de même pour moi. Si John reste, ma famille ne m'emmerdera pas. Le week-end sera... Plus facilement supportable. John est ma bouée de secours, et je suis la sienne. Je bouge mon Roi une dernière fois, en sachant que mon adversaire va terminer la partie. Il a raison. Je ne sais pas jouer, mais il n'a pas l'air de s'en soucier.

"Je ne t'obligerai à rien, et je te confierai la clé de la bibliothèque de mon père. Tu pourras t'isoler quand tu le souhaites... Mais, je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas boire, tu oublierais tes problèmes le temps de quelques heures. Tu aurais même l'impression de passer une bonne soirée avec des gens que tu n'apprécies pas en étant sobre ! C'est une sacrée expérience, je t'assure !"

La partie terminée, je me lève et attrape mon blouson. Je grimpe sur le bureau du professeur et offre mon plus beau sourire à cette assemblée d'intellos boutonneux et coincés.

"Bonsoir à tous, petits génies seuls et infréquentables, quelques-uns soupirèrent de mécontentement, je demande votre attention, juste quelques instants pour vous annoncer que vendredi soir, j'organise une fête et vous n'êtes pas invités."

D'un bond, je descend de mon piédestal sous les hués de mes camarades et me dirige vers la porte avant que ça ne dégénère. Je fais un clin d'oeil à John. Le provocateur qui m'a insulté me lance une canette de coca que j'évite sans difficulté.

"À vendredi, John !"





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