Don't worry, life is easy || Zach '

Bartholomew cuisinait rarement pour le petit déjeuner. Il préparait de bons déjeuners et de bons dîners, mais le matin il se contentait généralement de boire un café et de laisser Zach vivre librement sa vie au gré de ses envies culinaires. Chocolat, céréales, fruits, yaourt... Il avait tout à sa disposition et à sa guise. Il avait fallu du temps pour qu'il accepte de se servir et de faire comme chez lui. Ce matin, cependant, Barth voulait faire plaisir à son petit protégé. C'était un pas important dans sa vie, il allait retourner à l'école pour la première fois depuis quelques années. Depuis plusieurs semaines, cela était un sujet d'angoisses dont ils avaient beaucoup parlé. Alors, aujourd'hui, Bartholomew faisait chauffer du lait dans une casserole et y ajoutait du chocolat en poudre. Il faisait griller des toasts et cuire des oeufs et du bacon. Zach devait être en forme, le ventre plein.

Barth déposa le bacon et les oeufs dans une assiette et mit le tout sous une cloche, sur la table, pour garder ça au chaud. Il se dirigea ensuite dans le salon pour allumer la télévision et les informations en bruit de fond. Il attendait que Zach descende, une fois prêt. Ses yeux se posèrent sur une photographie qu'il avait prise de lui, il y a six mois environs alors qu'ils étaient partis en Ecosse pour quelques jours de vacances. Le jeune homme qu'il avait recueilli semblait heureux. Il souriait. Barth était fier de ce jeune homme. Ce jeune homme qu'il connaissait bien. Qu'il recroisait partout, sans cesse. Ce jeune homme pour qui, désormais, il faisait ces voyages qui usaient sa santé petit à petit et le conduiraient bientôt à la mort. Dans toutes les réalités et les époques que Barth avait visité jusqu'à présent, les faits ne changeaient pas. Immuables. Quoiqu'il arrive. Gabriel mourait. Mais Zach avait besoin d'aide. Barth avait compris qu'il ne pouvait rien pour son fils. La douleur se dissipait au fil du temps. Et Zach lui, était bien vivant.

Au bout de quelques minutes, Barth grimpa les escaliers et frappa doucement à la chambre de Zach.

"Le petit déjeuner est sur la table, quand tu seras prêt."

Barth redescendit tant bien que mal. Quelle idée d'avoir une maison avec des escaliers lorsqu'on boîte. Il s'assit dans le canapé et vérifia lui même que ses affaires étaient en ordre.

Zach était devenu mon fils. Je l'aimais comme un père. Bien sûr, il y avait une part de substitution. Pour lui comme pour moi. Mais nous y trouvions notre compte, et rien d'autre n'importait. Il avait cette naïveté des jeunes enfants, une crainte toute naturelle que la vie avait instaurée de force, dressant des barrières invisibles dans son esprit encore pur. J'aurais préféré le garder ici, avec moi, à l'abri de tout et du monde. Mais je le voulais accompli. Je ne pouvais le garder près de moi toute sa vie. Il s'envolerait, un jour. Et moi, je partirai à sa recherche dans une autre réalité, une autre époque. D'autres soucis se poseraient alors, éternel recommencement. Je caressai sa joue. Quel Zach serait privé de son Barth si je mourrais trop vite, terrassé par le pacte qui me liait au Diable ? Cela m'attristait. Mais les choses devaient se dérouler ainsi. Au moins, lui, connaîtrait le bonheur. Je m'en assurerai avant de partir. Pour l'instant, il avait besoin de mon appui. Je laissai de côté ces pensées parasites et le regardai avec un léger sourire.

« Je sais que tu as peur des autres et du Lycée, tu n'y as jamais été confronté, en tout cas pas depuis longtemps. Mais ça te fera du bien d'être mêlé à des gens de ton âge. Tu es assez intelligent pour suivre correctement les cours, et si tu te sens mal je te montrerai où se trouve mon bureau. Je suis cependant certain que je ne te verrais pas de la journée. Tu te feras probablement des amis. C'est important, tu sais, d'avoir des amis. Tu seras heureux d'en avoir, plus tard, sur lesquels tu pourras compter. »

Bien sûr, des amis que j'aurais au préalable validé. Mais il n'avait pas besoin de connaître les détails.

« Tu n'es pas obligé d'y aller si tu ne le veux vraiment pas. Mais tu sais, je ne vois aucune raison qui pousserait les autres à ne pas t'aimer. Fais moi confiance. »

Malgré ses peurs, Zach parviendrait à trouver un équilibre, cela ne faisait aucun doute. J'en étais convaincu. Un sourire presque énigmatique étira mes lèvres. Je veillerai à ce qu'il se fasse des amis. Et des bons. Mais cela, Zach n'était pas obligé de le savoir. Les circonstances se provoquaient, et je connaissais assez mes élèves pour savoir lesquels pourraient prendre soin de lui avec bienveillance. Je fis un petit clin d'oeil à mon protégé, complice.

« Tout le monde se fait des amis. Tu n'échapperas pas à la règle. » je redressai légèrement sa tête en posant un doigt sous son menton. « Tu es un jeune homme charmant, intelligent, intéressant. Des personnes parleront avec toi et apprendront à te connaître comme toi tu apprendras à le faire. C'est ainsi que les amis se créent et que les relations commencent. Il n'y a aucun risque pour qu'ils ne t'aiment pas. Quant à ton passé, il est gardé sous scellé. Personne n'en saura jamais rien. Ce qui appartient au passé, reste au passé. Ces faits t'ont construit d'une certaine manière, et ce sera toujours là, quelque part, en toi, comme une cicatrice. Mais n'oublie pas la personne que tu es aujourd'hui, celle que tu es devenu avec les temps. Et pense aussi à celle que tu deviendras par la suite. les choses qu'il te reste à accomplir, et la force que tu as déjà acquise. Tu as toutes les raisons du monde d'être fier de toi, de qui tu es. Moi je suis fier de toi. »

Je le regardai se redresser et plongeai mes yeux dans les siens. Je savais qu'il avait une force incroyable au fond de lui. Une volonté de vivre. Je l'espérais, en tout cas. De tout coeur.

« Ma porte te sera toujours ouverte, tu pourras même venir manger dans mon bureau le midi si tu n'as pas envie d'aller à la cafétéria au début de l'année. Et si jamais tu te sens mal à l'aise, tu reviendras ici et nous continuerons les cours à la maison. Il n'y a pas de piège. »

Je passai une main dans ses cheveux et lui souris sincèrement. Il n'avait pas à s’inquiéter. Tout se passerait bien pour lui. J'y veillerai personnellement, jusqu'au bout.

« Si tu es prêt, mettons nous en route. »

Je lui souris et me redressai pour aller chercher mes propres affaires. Des réunions m'attendaient.