Mon très cher frère... Ft John

Non pas qu'elle soit particulièrement mon type, j'ai une préférence nette pour les hommes, mais... Elle a tellement insisté. Je n'ai pas eu le cœur à lui résister. Je l'embrasse... Passe une main sous sa jupe trop courte. Elle nous fait tomber sur l'un des deux lits de ma chambre. Elle me sourit, retire mon pantalon et grimpe sur moi. Elle me chevauche avec délicatesse, puis accélère le rythme...
Dans notre élan, une envie m’effleure. Son corps, offert, nu...
Je change de position. L'allonge sans ménagement sur le dos. Je pose mes mains autour de son cou. Elle ne se défend pas. Alors je serre. Plus fort. Son visage disparaît pour laisser place à celui de ma victime. Plus je pense à elle, plus l'excitation me transporte. D'un coup, l'orgasme... Dans un murmure étouffé, ma partenaire l'atteint aussi. Je la lâche, ne laissant sur sa gorge que les marques rouges de mes doigts.

"Qui aurait cru que tu...  
Je me laisse tomber à côté d'elle. Elle se tourne sur le côté pour m'observer.
- Que tu pouvais être aussi... Féroce.
Oui, qui pourrait le croire ?
- J'ai pensé que...
Elle pose un doigt sur mes lèvres avant de se lever pour se rhabiller.
- C'était parfait, mais si tu pouvais éviter de l'ébruiter autour de toi...
Je lui souris.
- Ne t'en fais pas, officiellement, je suis gay. Nous ne nous sommes jamais croisés, Les.
- Merci, Nath... À le prochaine."

Elle me fait un clin d'oeil, prend son sac, et sort. J'ouvre les fenêtres, enfile un pantalon et attrape une cigarette que je n'allume pas. Le seul truc qui me manque depuis que je suis Vegan. John pénètre dans la chambre deux minutes plus tard. Je suis étrangement content qu'il ne soit pas entré pendant que je m'amusais avec Leslie. Il n'aurait pas apprécié. Comme tout ce qui touche de près ou de loin au sexe. D'aussi loin que je me souvienne, je ne l'ai jamais vu reluquer une fille ou un homme. Il passe beaucoup de temps avec Benjamin désormais mais, je ne pense pas qu'il se passe quoi que ce soit. Benjamin préfère les femmes, et John... John préfère son cerveau.

"Grand frère, comment s'est passé ta journée ?"

Je n'éprouve aucun remord, mais... Étrangement, savoir que John serait déçu s'il apprenait qui je suis en réalité m'attriste... Il est le seul à se soucier sincèrement de moi, même si c'est à sa façon. Il n'y a qu'à lui que mon secret ferait du mal, et il ne le mérite pas. Le tout, désormais, c'est de ne pas se faire prendre... Ou d'arrêter. Impossible.

"Je n'en reviens pas de t'avoir vu à la soirée de Benjamin. Est-ce qu'il possède des informations sensibles sur ton compte et il te fait chanter pour que tu l'accompagnes partout ? Je ne vois que cette raison pour te pousser à aller à une fête."

Je m'allonge sur mon lit, la cigarette éteinte entre les lèvres. Je ne me moque pas. Je tiens à John plus qu'à n'importe qui, savoir qu'il a l'occasion de s'amuser, même si c'est avec un délinquant comme Benjamin, ça me fait plaisir.

"Je ne comprends pas ce que tu lui trouves, il est tout le contraire de toi, mais il a le mérite d'avoir réussi l'exploit de te dérider ! Il mériterait une médaille."

Ça ne sentait ni le tabac froid, ni le joint, ni l'alcool. Non. Dans la chambre, il flottait une odeur particulière. Celle que l'on sent subtilement après des ébats d'ordre sexuels. J'exécrai cette odeur. Je posai mon regard sur mon frère. Un regard lourd de sous-entendu. Il pouvait bien essayer de me cacher des choses. Je savais. Je m'approchai de la fenêtre pour l'ouvrir d'avantage et m'assis sur le bureau pour regarder la cours, en bas, qui s'étendait platement. Je supposai que c'était normal, à son âge... On voulait tester ce genre de choses. Y goûter. Tout le monde le faisait. Pourquoi pas lui ? C'était dans l'ordre des choses, sans doute. Dans l'ordre normal des choses, je veux dire. Mais j'étais étonné qu'il préfère les femmes. Le parfum de Leslie Wintle se reconnaissait aisément. Kalvin Klein. Le plus déplorable dans cette affaire ? Que je reconnaisse une odeur de parfum, ce qui ne m'apportait pas grand chose intellectuellement parlant.

"Je t'en prie, ne me sers pas ces banalités. Nous nous connaissons assez pour ne pas s'intéresser à nos journées respectives. En revanche... Mes journées se passeraient mieux si tu invitais Leslie Wintle dans une autre chambre que la nôtre. Sachant cela, je doute que tu aies quoique ce soit à redire sur mes propres fréquentations. Qui sont, entre parenthèses, plus respectables que les tiennes. "

Et je ne parlais pas de Leslie Wintle mais de sa décision scandaleuse de partir de la maison pour aller vivre chez Damon Chatterton. Quitte à partir de chez nous, il aurait tout de même pu trouver mieux. Ou me demander. J'aurais pu lui payer un logement décent avec l'argent que notre père me procurait. Il ne servait à rien en l'état actuel. Je lui lançai un regard désapprobateur.

"Si tu as des ennuis, tu peux m'en parler plutôt que de te défiler chez Damon Chatterton. Tu sais aussi bien que moi que ce garçon est plus néfaste qu'une vipère. Si tu n'y prends pas garde, il te prendra quelque chose que tu ne pourras jamais récupérer." je ne souhaitais pas lui montrer que je me faisais du souci. Mais, hélas, je m'en faisais. Il était mon petit frère, et je ne pouvais aller à l'encontre de l'affection que j'éprouvais à son égard. Mais s'il ne me demandait rien, je ne pouvais pas l'aider...  Je ne voulais pas lui donner l'impression de lui faire la charité. " Quant à mes occupations, disons que j'étais curieux. Ben ... Benjamin a sorti des arguments qui m'ont convaincu. Voilà tout. Ne va pas t'imaginer des choses."

Quelque part, j'apprécie que certaines choses ne changent pas. Enfin, pas trop. C'est presque devenu un rituel à mes yeux, lui demander comment s'est passée sa journée et recevoir une réponse froide m'indiquant que c'est une question d'une platitude infinie. Si un jour John modifie son discours, je comprendrais instantanément que quelque chose ne va pas. Je lui souris.
Il a raison. Je ne devrais pas faire des folies avec une fille dans cette chambre. Il aurait pu ouvrir la porte pendant que j'étranglais Les et la situation aurait été des plus embarrassantes. D'aussi loin que je me souvienne, John n'a jamais eu de copine, ou de copain. Il n'est intéressé ni par le sexe, ni par les relations. Ben est son premier et son ... Seul ami ?

"Tu as raison, si je dois la revoir, je le ferai ailleurs..."

Vais-je la revoir ? Leslie est une femme et, je préfère les hommes. Mais revoir les yeux de cette fille dans ceux de Leslie... C'était comme lui ôter la vie une seconde fois. Si Leslie peut m'apporter cette satisfaction sans que je ne la tue, alors pourquoi réfléchir ?
Je chasse cette pensée. Relevant la tête en l'entendant parler de mes mauvaises fréquentations.

"Tu t'inquiètes pour moi ?"

C'est un peu tard, mais j'apprécie. Comme si je ne savais pas tout cela. Je l'ai appris tout seul... En faisant des erreurs, tel le gamin stupide que je suis. J'aime penser que Damon n'a plus d'emprise sur moi, mais je sais que c'est faux. Damon est une drogue, il est aussi attirant que dangereux. Avec lui, j'ai l'impression de contrôler la situation, alors que je le laisse m'entraîner vers les Enfers, et à la fin...

"Je ne vais pas te faire l'affront de te dire que je sais ce que je fais, parce que ce n'est pas le cas, mais... Ne t'en fais pas. Damon ne peut pas me prendre plus qu'il ne l'a déjà fait, désormais c'est plutôt moi qui profite de lui, et de son manoir gigantesque."  

En d'autres circonstances, Damon aurait simplement pu être mon premier chagrin d'amour. Le sale type arrogant qui me fait passer une bonne soirée puis me jette au petit matin... C'est sans doute ce que John imaginera pour se rassurer. Mais... Damon ne m'a pas rejeté. C'est moi qui ai pris conscience que le béguin que je pouvais ressentir à son égard n'avait rien à voir avec toutes les émotions explosives qui s'entre-mêlent lorsque je tue. L'amour ne faisait pas le poids à côté de cet orgasme meurtrier.

"C'est gentil de me proposer ton aide... Je te promets qu'au moindre dérapage, je t'appelle dans la minute pour que tu viennes lui casser les dents."

Je lui souris avant de remettre la cigarette dans mon paquet.

"Tu plaisantes ? Après m'avoir dit ça, comment voudrais-tu que je ne m'imagine pas des choses ? En plus, tu peux penser ce que tu veux de ton précieux nouvel ami, Benjamin, mais niveau fréquentation respectable, tu es presque aussi loin du compte que moi."

Même si, techniquement, je suis sans doute le moins respectable de tous...

"Pourquoi êtes-vous devenu amis ? Tu n'en as jamais eu, et lorsque tu t'en fais un, tu choisis un criminel notoire ? Qu'a-t-il de si intéressant pour te détourner de tes livres et de ta solitude ?"

Avais-je dit que je m'inquiétais pour lui ? Non. Mais si cela lui faisait plaisir de le croire... Bon. Je devais admettre qu'au fond de moi, je me faisais du souci pour lui. Parce qu'il était mon petit frère et que je devais assumer mon rôle puisque personne dans cette famille ne semblait assumer le sien. Il connaissait pourtant les risques, en traînant avec Damon. Pourquoi avais-je besoin de lui faire une piqûre de rappel ? Nathanaël était moins stupide que le commun des mortels, il ne devait pas se faire avoir par les faux-semblants et les visages enjôleurs. Malheureusement, qui étais-je pour le mettre en garde ? Il ne m'écouterai probablement pas. Et ses paroles suffirent à m'inquiéter d'avantage. Lui aurait-il prit sa dignité en couchant avec lui ? Et Nathanaël profitait-il de cela pour avoir le luxe et l'argent ? Se prostituait-il, en quelque sorte ? Je haussai un sourcil mais ne fis pas de commentaire. Cela me semblait tellement éloigné des manières de mon frère. Il me cachait quelque chose. Des informations. Je ne voulais pas savoir. Je préférais ne pas savoir. Je choisis donc de ne pas poser de questions et de me contenter de croiser les bras.

« Et je les lui casserai volontiers. » ajoutai-je.

Je me redressai et attrapai mon sac pour en vider le contenu sur mon bureau. Je m'assis, face à la fenêtre, et ouvris un petit calepin avec la ferme intention de prendre des notes sur une affaire que j'avais lu dans le journal. Mais Nathanaël n'avait pas fini là notre discussion. Je suspendis mon geste et l'écoutai d'une oreille. Il fallait qu'il s'intéresse à Ben, n'est-ce pas ? Bien sûr. Je n'avais jamais eu d'amis, je n'avais jamais ressenti le besoin de m'en encombre. Ben... Disons qu'il m'était tombé dessus sans que je ne m'y attende. Je ne l'avais pas choisi, il s'était imposé dans ma vie. Et... Et force était de constater que j'appréciais assez sa compagnie pour me laisser convaincre d'aller à une fête. Je reposai mon stylo sur la table. Heureusement, je lui tournais le dos. S'il avait vu mon léger sourire, il m'en aurait parlé pendant des jours. Je repris un masque neutre mais restai face à la fenêtre.

« C'est parce que tu ne le connais pas vraiment que tu dis cela. Certes, c'est un garçon impulsif et il ne réfléchit pas toujours avant d'agir. Mais c'est quelqu'un de bien, contrairement à Damon Chatterton. Il est loyal et franc à sa manière. Il se bat pour ne pas être battu, c'est tout. Comme toi. Comme moi. Comme tous ceux qui se battent. Il est simplement trop impulsif pour savoir quand il faut dresser le poing et quand il faut se contenter de partir. » Et j'aimais à penser que j'étais là pour ça. Le canaliser, et non pas le contrôler. Que je pouvais raisonner l'irraisonnable. Comme il pouvait me déraisonner. « Mais assez parler de cela, c'est un sujet ennuyeux. »

Je lui jetai le journal où j'avais entouré les faits divers, dont le fameux meurtre sur lequel je m'étais penché. Nathanaël avait toujours aimé jouer mes acolytes quand je me mêlais de ce qui ne me regardait pas. Cela lui ferait penser à autre chose et nous pourrions enfin changer de sujet.

John possède sa façon à lui de me dire qu'il sera toujours là pour moi. J'aurais aimé être à la hauteur de ses sentiments. J'aurais aimé être quelqu'un d'autre. Quelqu'un qu'il ne verrait pas faire la Une des journaux pour meurtre un jour... Avec un peu de chance, je serai assez malin pour lui éviter cela.

Il doit vraiment bien aimer Benjamin. Il n'a jamais parlé d'un autre être humain en ces termes. Comme s'il méritait sincèrement son attention et son amitié. Je suis content pour lui. Si jamais je ne suis plus là, il ne se retrouvera pas complètement seul. Non pas que cela le dérangerait, mais il a besoin d'être stimulé. Même s'il n'en a pas l'impression. Benjamin est tout sauf fréquentable, mais je ne doute pas qu'il soit stimulant...
De toute façon, à l'heure actuelle, puis-je me targuer d'être fréquentable ? Alors qui suis-je pour juger son nouvel ami ?

"Ted Bundy pourrait être considéré comme quelqu'un de bien par rapport à Damon, Ted Bundy lui, n'avait jamais poussé l'un de ses amis à tuer quelqu'un, mais, je comprends mieux ce que tu lui trouves."

J'attrape le journal et commence à lire les faits divers entourés par John. Cette fascination pour les affaires criminelles et les meurtres me porte à croire que nous ne sommes pas si différents. Lui et moi comprenons les meurtriers mieux que personne. Il préfère juste se trouver du bon côté de la loi, alors que moi, j'ai perdu de vue la frontière entre le bien et le mal il y a longtemps.

"Je croyais que le lieutenant de police Helmet, t'avais demandé de ne plus te mêler de leurs affaires ? Il a sans doute peur que tu t'attires des ennuis... Et si tu te retrouvais nez à nez avec un meurtrier à force de fouiner ?"

La situation me semble cocasse, mais je ne devrais pas trouver ça drôle. Je regarde l'article avec plus d'attention. Je sais que John n'arrêtera pas. Il est passionné par la criminologie. M'étudierait-il si je finissais en prison ?

"Le Faucheur de Chelsea, c'est un nom ridiculement tape à l’œil, je déteste ces surnoms inventés par des journalistes en mal de sensations fortes, il est évident que ce n'est ni une question de pouvoir, ni de sexe. C'est un artiste, il ne voit pas ces femmes comme des victimes, mais comme des œuvres d'art, il les transcende et il les expose dans des lieux publics pour que tout le monde puisse les contempler. À mon avis, il est déconnecté de la réalité, et donc dangereux. Tu es sûr de vouloir enquêter là-dessus ?

Voilà ce qui faisait parfois de Nathanaël un interlocuteur plus agréable que la moyenne. Il ne s'acharnait pas sur un sujet. Je ne doutais pas qu'il le ferait de manière régulière mais, au moins, cela laissait le temps aux choses de se tasser. J'avais de quoi lui faire oublier Benjamin et faire taire ses questions vaines et inintéressantes. Qu'il pense ce qu'il lui était agréable de croire, après tout. Aussi étrange que cela puisse paraître, moi, je ne cherchais pas à comprendre ma relation amicale avec mon camarade. Elle était établie, voilà tout. Pourquoi tenter de démêler les sentiments et d'essayer d'y trouver une raison tangible. J'appelais ça : perdre son temps. Et entretenir une relation était déjà une perte de temps assez grande, autant ne pas en rajouter.

Je haussa vaguement les épales quant à la remarque de Nathanaël.

« Je surpasse les capacités de déduction du lieutenant, je suis navré si son ego ne le supporte pas mais je pensais que dans ce métier, il fallait avant tout servir la justice. » je tournai la page de mon carnet de note avant d'ajouter : « C'est ce que je lui ai dit. Il n'a pas apprécié. » Je me retournai vers Nath et haussai légèrement un sourcil. « Je ne vois pas en quelles circonstances je me retrouverai face à un tueur en série. Et si cela devait arriver, l'expérience n'en sera que plus intéressante. Je ne pratique pas du sport pour rien, mon cher frère. Il faut être paré à toute éventualité lorsqu'on s'intéresse de près au milieu du crime. »

Je pointai Nathanaël du doigt, vivement intéressé parce qu'il était en train de me dire. Il comprenait les tueurs en série, d'une certaine façon. Il parvenait à en étudier certains aspects à partir des cadavres ou des preuves. Nous étions de la même famille, il ferait de grandes choses s'il s'en donnait la peine. J'eus l'ombre d'un sourire. Je ressentais une certaine fierté à son égard. Après tout, je lui avais aussi enseigné beaucoup de choses. J'osais espérer que cette brillante intelligente était aussi un peu de mon fait. Pour lui avoir appris à lire et à écrire jeune. Pour l'avoir intéressé à des choses poussées, dès que nous avions l'occasion d'être ensemble. Etait-ce dû à cela ? Très sincèrement, je ne le savais pas. Mais j'aimais bien le penser.

« Evidemment que je suis sûr. La question ne se pose pas, car il faut bien que quelqu'un le fasse. Vois-tu d'autres personnes compétentes dans cette ville ? Ce n'est pas ce cher lieutenant qui trouvera l'ombre d'un indice tangible. Et l'on dit que Scotland Yard était célèbre, à l'époque. Célèbre pour son incompétence, sans doute, cela va sans dire. »



TO BE CONTINUED.