Et c'est ainsi que le Fight Club ouvrit ses portes au public Ft Les invités et les combattants

Je suppose que cela ferait une différence, si ce genre de détail m'importait. Le physique m'indiffère. Bien sûr, je comprends son importance pour l'ensemble de la société et je me plie à cette convention stipulant qu'un homme séduisant se doit de sortir avec une femme séduisante, mais je me fiche de l'apparence. Je suis bien placé pour savoir qu'elle ne veut rien dire, avec ma gueule d'ange et mon âme pourrie.
Si seulement les gens comprenaient que les pires monstres se cachent sous les plus belles enveloppes...

"Alors, Isidore, comment se passent tes études ?
Je m’apprête à répondre, mais mon grand-père me devance.
- Isidore est un très bon élève.
La remarque me fait sourire.
- J'ai dit quelque chose de drôle ?
Techniquement, je suis un très bon tricheur. Un vrai génie dès qu'il s'agit d'inventer des solutions pour m'éviter de me retrouver avec une sale note. Je dois tenir cela de lui.
- Non, rien.
- Quelle est ta matière préférée ?
Diantre, mais jusqu'où pousseront-ils cette vaste plaisanterie ? Ont-ils vraiment besoin de savoir cette information ? Si jamais je ne choisis pas une matière intéressante, vont-ils annuler le mariage ? C'est ridicule.
- L'économie.
La seule matière dans laquelle je suis naturellement doué. Je me lève.
- Je suis navré, Monsieur et Madame Ericson, mais j'ai un autre rendez-vous.
Le regard empli de mécontentement de mon grand-père me provoque une joie inconditionnelle.
- Je peux savoir où tu vas ?  
- Retrouver quelqu'un.
- Une femme ?  
- Il me semble que je ne suis pas encore marié. Ne pouvez-vous pas me laisser profiter de cette liberté que je perdrai en jurant fidélité à mon épouse ?
Mon grand-père ne paraît pas prêt à me faire cette concession. Foutu vieillard ingrat. C'est Grace, ma fiancée, qui se lève à son tour, et me sauve la mise.
- Il se trouve que moi aussi, je devais partir. C'était un repas très agréable, j'espère que nous nous reverrons bientôt."

Elle quitte le restaurant. Les parents de la Belle virent au rouge cramoisi. Je les laisse en compagnie de mon grand-père. Ils pourront ainsi départager lequel des deux enfants a fait le plus honte à ses tuteurs ce soir. Grace fume une cigarette, son portable à la main. Elle me sourit.

"Merci. Je n'en pouvais plus, mais je n'osais pas ... Faire ce que tu as fait.
Elle a soudain l'air bien moins ennuyeuse que j'aurais pu l'imaginer.
- C'est un plaisir. J'avais peur que tes parents ne commencent à m'interroger sur mon plat préféré et les sports que je pratique. Je suis désolé que tu n'aies pas pu ouvrir la bouche ce soir.
Elle m'embrasse sur la joue et me chuchote,
- Ce n'est pas grave, tu découvriras tout après le mariage et tu seras piégé."

Elle me sourit, et me salut avant de monter dans une grosse berline noire. Amusant. J'imagine que je pourrais lui répéter cette phrase, lorsque je lui dévoilerais tous mes penchants les plus sadiques et qu'elle n'aura plus d'autre choix que de faire avec.

Pour ma part, je me dirige vers le Lycée. Ce soir, c'est le grand soir. Il n'y a aucune raison pour que cela ne fonctionne pas. Je connais trop bien les gens de mon espèce. Je sais qu'ils adorent dépenser de l'argent. Qu'ils adorent parier. Et qu'ils seront encore plus enclins à le faire avec un peu d'alcool et beaucoup de sang. Je suis peut-être nul en droit, mais je suis imbattable dès qu'il s'agit de trouver une manière d'escroquer mes semblables.
Je vais au sous-sol, il est encore tôt. Personne n'est attendu avant minuit. Le temps de me laisser finir les préparations... Depuis que je me suis mêlé à l'affaire, le sous-sol a pris un aspect plus chaleureux... Déjà, il y a de quoi s'asseoir, puisque je ne participe pas aux combats, mais que j'aime bien les regarder, et puis j'ai emmené de quoi boire. Pour ce soir, cela devrait suffire, mais j'espère bien pouvoir changer le lieu de rendez-vous rapidement. Il me sera impossible d'aménager le sous-sol de l'école, et impossible de faire venir plus d'une trentaine de personnes en même temps... Et donc impossible de gagner plus d'argent.

J'attrape les bouteilles d'alcool et me sers un verre avant de m'allumer une cigarette. Si je trouve de quoi quitter cette ville avant la fin de l'année scolaire... L'arrivée de Valentin me sort de mes pensées. Je sais qu'il me déteste, mais je ne peux pas m'empêcher de le trouver attachant. Il est comme cet acolyte un peu niais qui servirait de faire-valoir au criminel de l'histoire.

"Bonsoir, Valentin."

J'ai merdé en lui offrant ma panoplie du parfait connard dès notre première rencontre. Non pas que je ne sois pas, mais j'aurais dû me montrer plus subtil. Me faire apprécier... À ce moment-là, comment aurais-je pu deviner que c'était un garçon plein de ressources ? Désormais, il me déteste. Je l'ai conforté dans l'idée qu'il se faisait des types tel que moi. Même si, entre nous, il n'existe pas de type tel que moi.

"Prêt pour ta première soirée devant des spectateurs ? Si jamais ce n'est pas le cas, j'ai apporté de quoi boire et je peux généreusement te servir un verre."

Mais il ne me coûte rien d'essayer. Je n'ai aucun problème à être gentil, tout comme je n'ai aucun problème à m'agenouiller devant quelqu'un de plus fort que moi... Tant que cela sert mon intérêt. Les hommes qui réussissent sont multiples et opportunistes. Je sers un verre de Whisky avec deux glaçons et le tend à mon nouvel associé.

"Damon vient, et il ramènera avec lui une bonne dizaine de joueurs de foot friqués et stupides qui hurleront comme des animaux et dépenseront tout leur argent de poche... Sous condition de vous voir saigner, évidemment. Alors, j'espère que tu vas vraiment donner de ta personne ce soir, mon grand."

Parce que quand je vois Isidore, au final, ça m'donne pas trop envie. Il est riche, mais aussi prétentieux, suffisant, arrogant, il pense que tout lui est du et obtient ce qu'il veut. Mais à côté de ça, il a pas l'air très heureux dans ses baskets. Il peut bien faire semblant, moi je sais qu'il l'est pas. Le bonheur, ça se reconnait. Et si t'es heureux, t'es pas comme ça. Tu cherches pas à sortir de ta merde avant de t'y enfoncer un peu plus. Parce qu'au fond c'est bien ce qu'il fait, Isi. Il sort de sa merde et essaye d'entraîner les autres dedans. Pour quoi ? Se divertir, essayer de se dire que finalement sa vie est pas si nulle ? Ou qu'il est pas le seul, en tout cas.
Bah. Peu m'importe ses motivations. Aujourd'hui ça m'est utile. Je vais peut être pouvoir me faire de la thunes et me barrer après le lycée. Ou même avant la fin, j'en sais rien. On verra.C'est pas un diplôme qui va me servir à quelque chose de toute façon.

Je sors dans la rue et descends jusqu'au lycée. L'internat, je lui fais un doigt d'honneur. J'espère que l'histoire d'Isi va marcher. Au pire j'ai rien à perdre. Et tfaçon c'est trop tard. Je pénètre dans la cours déserte. Le directeur ferait bien d'faire gaffe. On peut entrer ici comme dans un moulin. Bientôt y'aura des squatteurs la nuit. Je descends jusqu'au sous-sol. Isidore est déjà là. Je sais pas si Nath compte venir, mais ça m'étonnerait qu'il soit pas là quand même. C'est notre idée à tous les deux à la base. J'sais même plus comment on en est venu à en discuter, de tout ça. Lui et moi on n'a pas grand chose en commun sinon la violence qui nous anime. Je lance un regard agacé à Isi. Il me fatigue déjà. Je me le coltine dans la piaule et aussi ici. Une vraie sangsue. Il a tout changé, dans le p'tit endroit. En espérant que le concierge vient plus jamais ici parce que sinon on est pas dans la merde. Je croise les bras et jette un coup d’œil autour de nous. Mouais. Je suppose que les gosses de riche aimeront l'ambiance. C'est posé. Ca fait clandestin. Ca fout le frisson. Va y'avoir du sang. Y'aura sûrement l'équipe de foot. Si Nath s'est pas trop mal demmerdé il aura ramené Damon. Enfin c'est peut-être Isi qui l'a convaincu. J'aime pas ce gros con, mais il a de la thune et s'il recommande le Fight Club à quelques uns de ses potes fortunés, c'est tout bénef. Si Damon n'aime pas, plus personne viendra. C'est un peu le patron du lycée. On l'écoute et on fait comme lui. Des bras petits moutons.

« Ouais. Puisque c'est généreusement proposé j'suppose que tu peux me servir un verre. Vas-y. »

Je préfère ne pas savoir où il a pris tout cet alcool. J'le trouve bien sympa ce soir. En fait, bien sympa depuis qu'il sait pour le Fight Club. Ce qui me renforce dans l'idée que c'est un gros con. Avant il me méprisait parce que je pue, ou un truc comme ça, j'étais pas assez bien. Maintenant qu'il voit en moi l'opportunité de faire du fric, il est sympa. Ca m'dgoûte cette attitude. Je prends le verre et m'assois dans un espèce de fauteuil. Je fais tourner les glaçons d'un mouvement de poignet.

« Ah il vient finalement. J'me demandais. C'est un peu ton gros poisson, hein. Tu feras carrière dans une grosse entrepris toi nan ? » il agit exactement comme ceux qui passent de gros contrats. Il les reçoit bien, il leur fait de la lèche, il leur offre ce qu'ils veulent, ce qu'ils attendent, voire plus. Et bim, le tour est joué. Faut vraiment pas avoir d'âme pour avoir envie de faire ça. « Enfin quoiqu'il en soit ils seront contents. J'compte pas retenir les coups. Ca va saigner dur. »

Et puis j'me rends compte tout à coup que ma situation a pas vraiment évolué. J'vais gagner de la thune, certes. Mais j'ai l'impression d'être utilisé par ce connard d'Isidore. Au final, ma situation a pas évolué d'un pète. J'suis toujours c'te bonne poire qui se fait utiliser et qu'on paye pour fracasser des gueules. Enfin à l'époque, on payait j'sais pas qui pour faire des expériences sur moi plutôt. J'ai pas perçu les bénéfices. Là si. Mais ça r'vient un peu au même. Mais j'men fout. Je suppose que c'est comme ça. On n'a rien sans rien.
Je bois une gorgée de whisky. Alea jacta est.

D'une parce que je déteste profondément Isidore. Et de deux, parce que si l'événement devient trop important, nous finirons par nous faire prendre... Si le Fight Club s'arrête, je n'aurais plus de moyen de me défouler. Si je ne me défoule pas, quelqu'un mourra. Quelqu'un mourra de toute façon. Je lutte contre l'inévitable.
J'essaie de ne pas penser à ça, mais c'est impossible. Son visage inexpressif, ses yeux qui s'éteignent, son corps qui ne se débat plus... Ça tourne en boucle. Ça m'excite. Désormais je ne peux plus rien faire sans songer à elle. Il faut que je recommence.

Bientôt. Pour l'heure, je dois faire en sorte que cette soirée se passe bien. Valentin et moi serions tenus pour responsables en cas de problème. La seule bonne nouvelle, c'est que j'ai réussi à convaincre John de venir. John se bat tellement bien, ce sera un spectacle digne d'intérêt. Je ne dis pas que les autres membres sont ennuyeux, simplement que John... Est au-dessus du lot. Comme dans de nombreux domaines.
Je pénètre dans la cave.

"Travailler en entreprise, quelle horreur. Mais, il faut reconnaître que prendre de l'argent à des gens qui en ont plus qu'il n'en faut me plaît, et c'est d'une facilité déconcertante."

Isidore. Quelle drôle de remarque pour le seul héritier de la fortune De Hollain. Je pousse la porte et constate avec joie que l'ambiance a changé. Le côté cave est toujours là, mais il est évident que l'ajout de sièges et d'alcool plaira aux spectateurs. Je le déteste, mais il n'est pas si bête, cet Isidore. Je salue Valentin et je m'assois sur l'accoudoir de son fauteuil.

"Tu sais que Valentin est assez intelligent pour comprendre que tu ne lui dis que ce qu'il a envie d'entendre, n'est-ce pas, Isidore ?
- Je sais que Valentin est assez grand pour se défendre tout seul, Nathanaël, il me sourit, comment vas-tu depuis que tu ne vis plus chez tes parents ? Il semblerait que le Harem de Damon commence à prendre de l'ampleur.
Est-ce qu'il essaie de m'énerver ? J'aimerais vraiment défoncer sa sale petite gueule pendant un combat, mais je ne perds plus mon sang-froid avec des emmerdeurs pareils. Je l'ignore et me tourne vers Valentin.
- Si jamais le concept de ce soir ne marche pas, nous pourrons toujours jeter Isidore sur le ring et le laisser tabasser par tous ceux qui paieront cinquante livres."

Je souris à Valentin et je me lève. J'enfile ma bande de boxe autour de mes poignets.

"J'ai réussi à convaincre mon frère de venir se battre ce soir. Du coup, je te déconseille de te présenter contre lui. Il ne cognera peut-être pas avec autant de colère que nous, mais il gagnera et ce sera sans doute très humiliant pour son adversaire."

J'étais étonné de ne pas en avoir entendu parler plus tôt, mais plutôt satisfait de constater que le lycée cachait encore quelques petits secrets bien enfouis au fond de ses sous-sols. Le plus amusant ? Que Nath en soit l'un des membre fondateur, bien sûr. Je ne l'avais pas imaginé un seul instant fonder ce genre de petits clubs entouré de personnes comme Valentin Kent et Isidore de Hollain. Un jeune homme peut-être aussi faux que moi. Je respectais ses pratiques, nous étions amis, par la force des choses. Dans le fond, ni lui ni moi ne nous accordions vraiment sur ce terme. Mais nous faisions comme si. C'était dans les règles du jeu. Et les règles du jeu voulaient que je sois invité pour leur fameuse petite soirée d'ouverture. Mon opinion comptait pour que leur affaire marche. Ainsi allait la loi du lycée. Mon avis comptait pour toutes les voix réunies. Je pouvais ramener des petits riches qui se feraient un plaisir de dépenser leur argent si je leur disais que la cause en valait la peine. Et voir le sang couler les exciterait sûrement plus qu'ils ne se l'avoueraient jamais. Le cycle de la violence.

Nous avions reçus une heure de rendez-vous que j'avais transmises à quelques amis. Je savais qu'ils viendraient. J'avais rempli ma part du marché. J'étais maintenant curieux de savoir si leur petite entreprise vaudrait la peine de voir le jour... Et surtout curieux de savoir jusqu'où ils comptaient aller. C'était audacieux de rendre cela plus public. Si quelqu'un en parlait, ne serait-ce que par inadvertance, ils risquaient tous de se faire renvoyer - sauf les plus riches. J'arrivai sur les lieux alors que la salle comportait déjà pas mal de spectateurs. Mon regard croisa celui de Nath. Puis celui d'Isidore à qui je fis un petit sourire en coin. Bon courage. signifiait-il peut-être. Le teigneux Valentin était adossé contre un mur, les bras croisés, et regardait la foule. Il avait l'air d'être prêt pour le combat. Evidemment, ils misaient sur un cheval de qualité. Qui d'autres s'étaient inscrits pour se battre ? Je me le demandais. Je pris place entre deux joueurs de mon équipe de foot qui m'accueillirent avec une hola.
Je savais qu'ils n'attendaient que moi pour lancer les hostilités. Ce qu'ils ne tardèrent pas à faire. Je croisai les bras et profitai du spectacle, comme je savais si bien le faire.

Je ne m'étais jamais battu avant cette année. Enfin... Si, mais à l'époque, je ne répliquais pas, parce que je ne savais pas le faire. Aujourd'hui, je suis avec attention les cours du soir imposés par mon père, et je suis obligé d'admettre que se battre est une agréable façon de passer ses nerfs.
L'avantage de ce petit club privé, c'est qu'on peut aller plus loin qu'en cours de boxe, sans qu'il y ait de conséquence. Pas d'animosité avant, pendant, et après les combats. Aucune retenue -enfin si un peu dans mon cas. Je ne suis ni le plus fort, ni le plus intelligent, mais je me défends assez dès qu'il s'agit d'endurer les coups... Et puis je reçois des cours particuliers de John, qui, lorsqu'il est de bonne humeur, consent à me montrer des parades originales. Un avantage non négligeable.

Mais, ouvrir ces petites séances au public, cela me semble être le comble du mauvais goût. Surtout quand le public est composé des gros cons de l'équipe de foot. Ce n'est pas une question de ridicule. Perdre ou gagner ne m'a jamais importé. J'ai perdu trop souvent dans ma jeunesse pour me soucier de mon honneur. J'aime simplement me battre. Me défouler. Ce n'est que le peu de fierté mal placée qu'il me reste, qui m'interdit de servir de divertissement à un type comme Damon.
Ce soir, je ne viens donc pas pour me battre, mais pour regarder. Une activité tout aussi agréable, lorsque c'est John qui se trouve sur le ring. Malheureusement, il n'est pas le premier à montrer ses talents à l'assemblée. Valentin et Nathanaël ont raison, gardons le meilleur pour la fin.

Je pénètre dans la cave du lycée, un combat est déjà en cours. Un membre de l'équipe de Rugby et Laurel, une fille qui cache bien son jeu. Elle se bat mieux que lui, mais elle fait durer le spectacle. Pour que les dix benêts autour du nouveau prophète aient le temps de dépenser leur argent. Je passe devant Isidore et attrape une bouteille malgré ses protestations. Je lui fais un clin d'oeil, je prends deux verres, et je force le passage entre un joueur de foot quelconque et son Capitaine. Il râle, mais voyant que cela ne semble pas déranger Damon, il me laisse m'installer.
Je souris à mon meilleur ennemi et lui tend un verre que je remplis d'un Whisky bien meilleur que celui des grandes surfaces. Isidore est un con, mais un con qui a du goût en matière d'alcool. Je me sers de la même façon.

"Le spectacle est-il à ton goût, Ô tout puissant créateur des nouvelles tendances ?"

Damon possède ce charme irrésistible qu'ont tous les grands manipulateurs. Il pourrait décréter que mettre des chaussettes avec des sandales est à la mode, et tous les lycéens le croiraient et l'imiteraient. Un pouvoir incroyable, entre les mains d'un homme au cœur de pierre. Je ne peux pas dire honnêtement que je le déteste. Il m'importe trop peu pour en arriver à ces extrémités. Je déteste qu'il soit proche de mon frère. Je déteste que personne ne le voit tel que je le vois. Je déteste qu'il soit aussi inébranlable, mais sans lui... Le lycée ne serait pas le même.

"Comme dans tous les bons festivals, les meilleurs groupes passent à la fin, mais Laurel ne se débrouille pas si mal, pour une fille aussi maigrichonne, je bois une gorgée de mon whisky, nous pourrions rendre tout ceci plus amusant ? Parions ! Mais pas sur le gagnant, je connais la plupart des membres du Club, ce ne serait donc pas très juste par rapport à toi. En revanche, nous pouvons parier sur le premier qui fera couler le sang de son adversaire. Je te donnerai la force et la faiblesse de chaque combattant si tu le désires, mais c'est avant tout une part de chance. Un mauvais boxeur peut toujours donner un coup bien placé. Comme je suis bon joueur, je te laisserai choisir ton champion en premier."

J'ai toujours adoré les jeux. Surtout ceux où il faut s'en remettre à la chance pour espérer l'emporter. Parier, c'est mon péché mignon. Toutes les situations deviennent intéressantes, et dangereuses, dès lors que l'on y ajoute un pari. Cette simple idée d'avoir une chance sur deux de perdre quelque chose m'excite plus que de voir un beau combat.

"J'impose une seule règle : Nous ne parions pas de l'argent. Ce serait trop simple. Soyons imaginatifs, nous pouvons nous poser des questions ou un gage, du genre Action ou Vérité. Par exemple, en restant soft, celui qui perd le pari devra... servir de chauffeur à l'autre pendant deux semaines. Joignable à n'importe quelle heure, pour aller n'importe où à Londres et dans sa périphérie... En imaginant évidemment qu'un gage qui nous force à passer du temps ensemble puisse être acceptable."

Je lui souris joyeusement. L'idée est stupide... Mais j'en ai des tas d'autres à lui proposer.

"Le gagnant du pari imagine le gage, ou la question suivante. Alors, prochain match, Baptiste contre Émilie. Baptiste est blessé au genoux, depuis son dernier match de foot, chose que tu dois savoir, mais il frappe fort. Émilie est plus rapide, mais moins costaud... Qui fera saigner l'autre en premier d'après toi ?"

Jouer avec Damon, c'est un peu comme vendre mon âme au Diable.
Aucun de nous deux ne gagnera à la fin.

Je souris en coin en le voyant s'asseoir près de moi. Enfin quelqu'un d'intéressant, ce soir. Je croisai les bras et haussai légèrement un sourcil en le regardant en coin. Benjamin Anderson ne m'aimait pas beaucoup, sans doute savait-il ce que renfermait mon cœur et mon esprit... En tout cas, il se doutait que je n'étais pas l'ange auréolé porté par tout le lycée. Ils étaient quelques uns à le soupçonner, les autres mordaient à l'hameçon du visage populaire et tolérant. Je n'étais ni un ange... Ni un monstre, pourtant. Quelque part entre les deux, peut-être ? Ou bien se placer en observateur et donner quelques impulsions faisait-il de moi un démon, le Diable ? Il fallait toujours placer les gens dans des cases. On les comprenait mieux ainsi. Tout s'ordonnait, tout s'imbriquait. Et puis il y avait ceux qui n'entraient nulle part. Comme moi, sans doute. Comme Ben, aussi. Seules les apparences correspondaient aux attentes sociales. Le reste, par contre ... Et de mon côté, j'appréciais Ben. C'était un jeune homme vif, intelligent, peut-être trop impulsif mais il avait des idées derrière la tête. Il n'était pas aussi désinvolte qu'il le laissait croire et paraître. Lui aussi enfermait de sombres secrets dans son petit cœur. Mais les avait-il accepté, ces secrets, ces démons ? Pouvait-il pleinement vivre avec ?

Toutes ces pensées traversèrent mon esprit en quelques secondes alors que je l'observai en silence, amusé. Toujours amusé. Il est vrai qu'on me demandait mon avis - directement ou non - pour toutes les nouveautés. Des clubs qui se lançaient jusqu'aux nouvelles marques de vêtements. J'avais très vite constaté que posséder les gens, c'était leur donner satisfaction et crainte tout à la fois. La crainte de décevoir, de ne pas être à la hauteur, de baisser dans mon estime. Je n'avais pas d'estime pour grand monde ici, à vrai dire - et certainement pas pour ceux qui suivaient mes opinions. Il était donc tout à fait normal qu'Isidore attende mon approbation ; que se passerait-il si je jugeais cette idée pitoyable ? Mais il savait très bien que cela n'arriverait pas. Il avait sorti le grand jeu, et je trouvais cela plutôt intéressant de mettre des lycéens en situation de combat rapproché. Le Fight Club amélioré.

« A dire vrai, le spectacle est plutôt amusant vu d'ici. Les gens nous réservent décidément beaucoup de surprises cette année, tu ne trouves pas ? » et il n'avait encore rien vu... Je bus une gorgée du whisky qu'il venait de me servir.

L'idée qu'il dégagea ensuite, alors que nous regardions d'un combat, m'intéressa aussitôt. Il en appelait à mon côté joueur, et il me connaissait peut-être assez bien pour savoir que le goût du risque ne m'inquiétait pas. Je me savais assez adroit pour ne pas tout perdre, et, même dans la défaite, je savais me montrer bon joueur. Car, si je perdais, j'avais tout simplement mal joué mes cartes, n'est-ce pas ? Ainsi allait la vie. Je bus une nouvelle gorgée, il avait désormais toute mon attention. Des paris sur les combattants, voilà qui animerait la soirée - et celles à venir. Il n'attendit pas mon approbation pour développer son idée. Je gardai toujours le silence, les yeux perdus sur le combat qui se déroulait, mais l'oreille tendue vers les paroles de Benjamin. Je ris franchement. Des gages... Je tournai la tête dans sa direction et plongeai mes yeux dans les siens. Savait-il avec qui il était en train de parier ? Bien sûr qu'il le savait. Mais ni lui, ni moi, ne savait où tout cela allait nous mener. C'était là tout l'intérêt.
Il n'y aurait pas de gagnant. C'est sur cet accord tacite et silencieux que les paris s'ouvrirent. Les prochains combattants sur la piste me permirent de réfléchir un peu avant que le combat ne commence. Benjamin m'offrait non seulement la possibilité de me divertir, mais aussi celle d'en apprendre d'avantage sur les forces et les faiblesses physiques des participants. On ne savait jamais... Tout était bon à savoir.

« Je mise sur Baptiste ; si quelqu'un va faire couler le sang en premier, c'est sûrement lui. » il avait un crochet dévastateur, je le connaissais bien il était dans mon équipe. Un genou endommagé ne l'empêcherait pas de faire couler le sang d'Emilie en premier. Sauf si elle visait la lèvre ou le nez, des endroits plus sensibles que la mâchoire sur laquelle mon gars se focalisait déjà.

Le combat commença. Emilie esquivait les coups d'un Baptiste rendu lent à cause de sa jambe. Elle passa derrière lui et lui cogna les côtes. Il balança une de ses jambes pour la faire tomber sur le sol. Déstabilisée, elle chuta et Baptiste en profita pour lui donner un puissant coup de poing dans la mâchoire. L'une de ses dent se brisa et fendit sa lèvre qui se mit à saigner. Je bus une nouvelle gorgée de mon Whisky et fis un petit clin d'oeil à Benjamin.

« On dirait que je remporte cette manche. » je réfléchis une fraction de seconde à un gage. Je voulais commencer doucement, tâter le terrain, m'amuser. Comme dit plus haut, j'appréciais beaucoup Benjamin, il était toujours très intéressant et m'apportais une vie pleine de rebondissements. La preuve en était ce soir-même. « Tu vas devoir porter mon sac de cours et mes affaires pendant deux semaines au lycée. Tu devras donc m'attendre devant l'entrée le matin, me suivre jusqu'à mes cours, m'attendre à la sortie, manger en ma compagnie... Je crois qu'on va bien s'amuser, hum ? Ah ! Le combat est fini. Verdict sur les prochains participants ? » j'attendis qu'il m'en parle un peu plus avant de poser ma question. « Qui de nos deux amis va frapper le premier ? Jonathan ou Peter ? »

Je jetai un coup d'oeil à Ben, il avait l'air très intéressé par ce combat en particulier.

Exactement comme Damon est en train de le faire en cet instant. Il rit, mais ses yeux trahissent son intention. Tenter la chance, c'est notre faiblesse. Nous n'avons peur de rien, ni de personne, mais nous donnerions n'importe quoi pour ressentir quelque chose... Il est le seul homme à monde à pouvoir jouer avec moi. À pouvoir me suivre au-delà de toutes limites.
Pourquoi n'avais-je jamais remarqué que nous nous ressemblions autant tous les deux ?

Je lui souris, avant de boire le contenu de mon verre d'un trait. Voilà qu'il prend une sage décision. Baptiste est le choix sûr de ce combat. Quelque part, je dois apprécier de perdre, pour lui laisser autant d'avance...
Je ne suis donc pas surpris lorsque Baptiste fait couler le sang le premier. Il est plus fort, et il a visé les endroits sensibles avec une habileté telle que je me demande s'il ne s'entraîne pas sur ses petits camarades.

"Félicitations !"

Je le laisse réfléchir à son gage... J'étais presque sûr qu'il m'infligerait sa compagnie, son petit sourire narquois sur les lèvres. Il sait que je suis beau joueur, et que je ne peux pas refuser. Mais, je pense qu'il regrettera avant moi cette décision. Nous nous supportons à bonne distance, ce n'est pas dit que l'un à côté de l'autre pendant deux semaines, nous finissions indemnes.

"Désormais, il ne fait aucun doute que ton grand-père devait posséder des champs de cotons, sinon, d'où te viendraient ces pulsions esclavagistes ? Je nous sers deux nouveaux verres de whisky, et je trinque avec lui, mais je m'incline, tu as gagné et l'idée de te suivre partout où tu iras pendant deux semaines m'enchante au plus haut point, Damon."

Même si je ne suis pas certain d'avoir envie de me mêler à son cercle d'amis durant cette période. Manger avec l'équipe de foot, quel ennui... Mais, peut-être qu'il y aura des pompon-girls. Je lui souris joyeusement.

"Peter est un excellent combattant, il est agile, intelligent et il encaisse bien les coups, mais il a un tic nerveux, dès qu'il s'apprête à frapper, il cligne deux fois des yeux... Quant à John... Il est imbattable. Ce ne serait pas très juste de parier sur ce combat, mais puisque tu me laisses une chance de gagner, je ne vais pas cracher dessus."

Le combat commence à peine que John semble mener la danse. Il fait durer le suspense, mais pas très longtemps. Il décoche le premier uppercut, et il touche le menton de Peter. Celui-ci se mord la langue, ou la lèvre, et une giclée de sang vient éclabousser le sol. Il ne suffit que de quelques coups de plus pour le mettre à terre. John n'a même pas été touché. Maintenant que j'y songe, je n'ai jamais vu un autre lycéen l'atteindre.
John me fascine.

"Un point partout donc... Puisque tu t'es montré raisonnable sur le premier gage, je vais en faire de même. Je veux ta voiture, pendant deux semaines..."

Fairplay, il me tend les clés de sa Jaguar. Je me lève, non sans prendre la bouteille de Whisky.

"Si tu es gentil, je m'arrangerais peut-être pour passer te prendre lorsque tu en auras besoin... Cher Damon, ce fut un plaisir de lancer les hostilités ce soir avec toi, mais j'ai un gagnant à aller féliciter. Bonne soirée, et à lundi."

Je me faufile entre les places assises. Je bouscule un joueur de l'équipe de foot et lui pique son verre. Trop occupé à m'insulter, il ne le remarque pas. Je m'éloigne,  pour rejoindre John qui sort du ring, vainqueur, comme toujours. Je lui tends un verre, et le remplit.

"John, comme d'habitude, tu as été excellent... Et grâce à toi, j'ai gagné le droit de jouer avec la superbe voiture de Damon pendant quelques jours... Donc, que dirais-tu de fêter dignement cette victoire en trinquant ici et en allant faire un tour ?"

Cela ne me ressemblait pas. En quelques coups, le combat serait remporté ; je ne voyais pas ce que cela pouvait m'apporter d'intéressant. Je n'allais que m'exposer aux regards hagards des petits gosses de riches ; des fils à papa qui ne réfléchissaient jamais par eux-mêmes, ne faisaient qui suivre les saintes paroles de Damon Chatterton, et ne dépendaient que de l'argent de poche que l'on mettait sur leur carte de crédit. Une bande de moutons regroupés dans un endroit clos ; je ne savais pas si Nathanaël avait de quoi être fier avec un projet comme celui-ci. A quoi bon le raisonner ? Autant parler à un mur. Au fil du temps, il semblait être devenu imperméable à mon cynisme et à mes remarques, sans doute trop habitué à mes critiques. C'était plus fort que moi.

Je faisais les cents pas. Nathanaël n'avait pas été le seul à essayer de me convaincre, Ben aussi l'avait fait en entendant courir le bruit de cette petite réunion. Il voulait sans doute pouvoir parier sur moi, ou avoir le loisir de me tirer de mon habituelle routine. Les deux, sans doute. Mais ceci aussi : j'avais comme l'impression qu'il saisissait la moindre occasion pour passer un peu de temps en ma compagnie. Pour quelle obscure raison ? Nous étions devenus... Amis... Par la force des choses, mais cela n'expliquait pas notre proximité. A vrai dire, rien ne pouvait l'expliquer. Nous nous entendions bien, voilà tout. J'avais renoncé à trouver une logique à tout cela. Le même illogisme, d'ailleurs, qui me poussait à être présent aujourd'hui sur la demande de mon frère.
J'entendais les bruits, les exclamations, et regardai les combats. V'était plutôt violent pour des lycéens. La nature humaine se repassait de violence et de sang. Nous étions sordides, pas même des animaux, tout juste bon à s'écraser les uns les autres pour acquérir nos buts personnels. Malheureusement - ou heureusement ? - nous étions aussi constitués de forts sentiments, des émotions intrinsèques. Et cet attachement pour mon frère était la cause de ma présence ici. Je déplorais cette situation mais ce n'était qu'un service rendu. Rien de bien méchant.

Lorsque ce fut mon tour, je me présentai sur la piste face à mon adversaire. Je le détaillai d'un coup d’œil. Comment s'appelait-il déjà ? Si son visage m'était familier, son patronyme m'échappait entièrement. Qu'importe. Son nom ne m'intéressait guère. C'était un jeune homme alerte, il avait l'air vif et agile mais je sus quels mouvements effectués pour le déstabiliser et le mettre à terre lorsqu'il commença à se déplacer. Son tic nerveux ne m'échappa pas, je pus donc esquiver les quelques coups qui ne heurtèrent que le vide. Je fis traîner les choses le temps de quelques minutes, que tout ces petits fils de riches aient le temps de se réjouir de cette mise en scène de violence.
Peter finit par tomber. Je restai debout quelques secondes avant d'être déclaré vainqueur. Voilà. Mon devoir était accompli. Je tournai le dos au ring, à l'adrénaline, aux rires et aux bavardages pour m'éloigner du bruit et des gens. Je n'eus pas le loisir de me retrouver seul, mais la compagnie de Benjamin ne me dérangea pas. Je saisis le verre qu'il me tendit et le laissai le remplir. J'en fixai le contenu sans rien dire pendant quelques secondes. Mes yeux se portèrent sur les clés qu'il tenait dans sa main.

« Un pari, je m'en doutais. » je bus une gorgée d'alcool. « Je ne suis pas certain que cette voiture soit très clean mais, après tout, pourquoi pas, tant que nous partons de cet endroit inutilement bruyant. »

Je reposai le verre dans la main d'un type qui passait par là et attrapai ma veste avant de faire un signe à Nath qui était là avec son ami Valentin. Isidore et Valentin étaient loin d'être les hommes de confiances que j'aurais souhaité pour les fréquentations de mon frère, mais ils valaient toujours mieux que Damon.

« Tu ne devrais pas parier avec un type comme Damon. Il finira par en tirer profit. Mais tu le sais déjà. »

Nous sortîmes du sous-sol pour disparaître tous les deux.

Cela tombe bien, moi non plus. Il a déposé l'argent sur la table de nuit et s'est enfermé dans la salle de bain. Ce qu'il fait après chacun de nos rendez-vous. Fabio n'est pas méchant, il fait ce qu'il a à faire, toujours de la même façon. Mais il est le tuteur d'Alice, et j'aimerais éviter de devoir expliquer mon travail à l'une, et mon âge à l'autre.

Je me rhabille, empoche les billets, et quitte la demeure des Davis.
En toute honnêteté, je ne suis pas certain d'avoir besoin de ce salaire. Damon semble vouloir à tout prix me soulager de ce poids. Dès qu'il s'agit de moi, il dépense sans compter, et sans me demander mon avis. Comment lui reprocher de se montrer aussi bienveillant ? Alors je ne dis rien, et je me contente de mettre de côté, de jouer en bourse, et de rebâtir une fortune qui aurait dû me revenir de droit.

J'avais oublié la soirée au Fight Club. Sans doute parce que je n'étais pas invité à l'origine, mais Damon a insisté, et Damon obtient toujours ce qu'il veut. Je descends au sous-sol du lycée. Un joueur de l'équipe de rugby avec un oeil au beurre noir m'arrête devant la porte, avant de me laisser entrer. Je repère Damon, assis à la meilleure place. Évidemment. Étrange qu'il n'y ait ni tapis rouge, ni banderoles à son nom. Je vois Benjamin quitter le siège à côté de lui et m'approche pour prendre sa place.

"Navré du retard... J'hésite à lui dire où j'étais. Il n'a pas besoin de le savoir, ou peut-être qu'il le sait déjà. Étais-tu en train de discuter avec le seul homme de l'assemblée qui ose te détester publiquement ? Sois proches de tes amis, et encore plus proches de tes ennemis, je suppose ?" Je souris. "Les lycéens adorent votre relation, elle met du piment dans leur vie... Mais de toute évidence, si Benjamin te détestait réellement, il ne te tournerait pas autour comme il le fait. Tu le fascines, comme tous les autres, et ça l'énerve."

Je ne suis pas jaloux, ni de Damon, ni de ses relations. Il est tel qu'il est, et je n'attends rien de plus. Je ne veux pas qu'il change, même si je ne suis pas toujours d'accord avec lui. Je ne veux pas de son argent. Je ne veux pas de sa renommée. Je l'aime, de manière inconditionnelle, sans rien attendre en retour. Nos destins sont liés, c'est tout ce qui m'importe.

"Alors, qu'est-ce que j'ai raté ? Tu es convaincu par le projet d'Isidore ? C'est amusant. Toute cette violence et cette... Pauvreté, c'est à mille lieues du Monde riche et doré de ce serpent. Soit je me trompais sur son compte, soit il est dans une situation désespérée. Si j'étais plus machiavélique et vindicatif, je découvrirais le secret qui le force à mettre en place des combines pareilles, et je me ferais un plaisir de le raconter au monde entier, comme il l'a fait avec moi."

J'attrape un verre d'alcool et en bois une gorgée. Isidore a dévoilé la ruine de mon père. Les professeurs n'étaient pas encore au courant. Je ne déteste pas Isidore. Mais, je reconnais qu'il m'évoque un certain dégoût. Là où Damon maîtrise à la perfection l'art de se faire apprécier, Isidore possède une aura exécrable. Puis, contrairement à Damon, Isidore ne m'aime pas et cherche à m'emmerder depuis qu'il estime que je ne devrais plus faire partie de son cercle d'amis.

"Je suppose que tu attends le combat de Nath... Je te fais confiance, et tu n'es pas obligé de tout me dire, mais j'espère que tu sais ce que tu fais avec lui... Et, que tu n'hésiteras pas à m'appeler en cas de problème." Évidemment, j'entends par-là, gros problème. Comme cacher un cadavre. "Ben, Nath... Je comprends ta curiosité pour les détraqués, et je sais que tu maîtrises la situation, mais en tant que voix de la raison, je ne peux pas m'empêcher de te dire de faire attention. Tu es trop important."