Grandir ? Ce n'est pas dans mes projets Ft Chris ♥

Je ne déteste pas la rentrée, qu'on se le dise ! Au contraire, j'aime le lycée pour tout ce qu'il permet : les fêtes, les potes, les beuveries, les rigolades sans fin, les conneries... Mais cette année, c'est spécial. J'ai rencontré un type cet été et c'est vraiment dommage que ces cours viennent gâcher nos parties de jambe en l'air. Tantôt dans les toilettes d'un bar, tantôt dans sa voiture, tantôt dans une chambre d'hôtel... C'est plutôt chic de fréquenter un mec plus âgé ! Enfin... Pas tant que ça. Je ne sais plus ce qu'il m'a dit exactement, je crois qu'il a vingt-quatre ans, dans ces eaux-là. Et plutôt bien expérimenté ! J'en rêve encore, de ces nuits tranquilles après l'amour. Quand on fumait une cigarette allongé dans les draps défaits. Le bonheur à l'état pur. En plus, il me payait à manger... Mais bon, c'est comme ça : les amours d'été ne durent que le temps d'un été. Et puis on s'entendait bien, d'accord, mais nous ne nous retrouvions pas pour causer.

Bref. Avec tout ça, il va surtout falloir que je trouve Ben. Pas facile, son vieux ne lui a toujours pas payer un portable, pourtant c'est pas l'argent qui manque quand on est ministre ! Vieux schnock. Je décide donc d'attendre mon meilleur pote près des casiers, il sera bien obligé de passer par là un jour, sauf s'il a décidé de ne prendre aucune affaire de cours, cette année. On a du temps à rattraper, lui et moi. Je l'ai malheureusement plaqué un paquet de fois, cet été, pour mon beau mec. Mais bon, je sais qu'il comprend, lui dont les conquêtes ne se comptent plus sur les doigts d'une main. En l'attendant, je croise quelques potos de soirées. On se check, à la cool. C'est ce que je préfère au lycée. On se prend pas la tête. Tout va bon train. Les emmerdes, moi, je les écrase.
D'ailleurs en parlant d'emmerdes, j'espère que Matthew n'a pas retrouvé ses affaires de vieux que j'ai planqué dans la maison et qu'il a fait bon usage du jean et de la chemise que j'ai choisi pour lui dans mes propres affaires ! Ca devrait lui aller, je pense. Et sinon tant pis pour lui, ça lui apprendre à s'habiller comme un intello coincé. Toute une éducation à refaire...

Alors que je commence à m'impatienter, une annonce retentit joyeusement dans les couloirs. La voix de Ben, bien sûr. J'éclate de rire. L'année commence vraiment bien ! Je prends mon sac et me dirige vers l'entrée du bâtiment principal qui encadre la cours, le hall et les bureaux administratifs. Je pose mon sac au pied du mur et plonge mes mains dans mes poches en attendant que mon petit Ben se pointe au rancard qu'il nous a fixé. En le voyant débarquer, je souris de plus belle. Il n'a pas changé, en deux mois de vacances. Toujours le même. Ca rassure. Je tapote son dos lorsqu'il me prend dans ses bras et ris à sa remarque.

« Aaaah j'aimerais pouvoir t'en parler mais il s'agit d'un homme très important. Il travaille pour la CIA en Amérique alors je ne peux rien te révéler...» je pose mon doigt sur mes lèvres. « Mais il a du repartir pour une mission capitale.... Alors je serais tout à toi, maintenant ! Et j'peux bien te dire qu'il s'appelle Mathieu et qu'il a un petit cul sexy-sexy... Surtout lorsqu'il marchait comme ça, dans le bar...»

J'imite sa démarche en me déhanchant devant Ben, les mains sur les hanches. Je tourne la tête vers lui et passe ma langue sur mes lèvres, aguicheur.

« J'vous offre un verre ? Tu admettras qu'on ne peut pas dire non ! Surtout qu'en plus de ça, il m'a invité à bouffer. Mon point sensible...»

Je me laisse tomber contre le mur en posant une main sur mon ventre, un long soupir s'échappe de mes lèvres.

« Bon alors qu'est-ce que t'as foutu, toi ? C'est compliqué sans téléphone, sans facebook pour avoir de tes nouvelles ! Même Jonathan Around s'est inscrit sur Twitter cet été ! Tu te rends compte ? Je savais pas qu'il connaissait l'existence des ordinateurs...»

Il imite parfaitement les vieux croulants. Il faut qu'il fasse gaffe... Ca pourrait arriver plus vite que prévu. Je lui donne un coup de coude et pique sa cigarette pour en prendre une taffe. Je me rends alors compte qu'on partage tout sans exception. Ben est bien plus que mon meilleur pote. Plus qu'un frère, pour moi. Il est aussi mon âme sœur. On ne sera jamais en couple, nous ne tomberons jamais amoureux l'un de l'autre. Mais il est Before Anyone Else. C'est mon double, la personne qui me tire sans cesse vers le haut. Avec qui j'ai partagé les plus beaux moments de ma vie, les pires aussi, peut-être. Les plus gros fous rires. Je peux tout lui confier sans jugement, et serais toujours là pour lui. C'est réciproque, j'en suis certain.

Ravi de cette constatation, je passe un bras autour de ses épaules.

« Tu n'auras qu'à envoyer une fusée de détresse si un terroriste t'attaque. C'est pas comme ça que vous faisiez, dans le temps, papy Beny ? Raconte moi les histoires des temps anciens, de la guerre et des putes ! Elles étaient chères ? » je souris en coin. « Mais si tu veux, le grand auteur que je suis peut passer une annonce à la Radio. Jeune galopin cherche âme généreuse pour téléphone portable et compte facebook à mi-temps. Ce serait une chouette idée de chronique les petites annonces des lycéens pour cette année ! C'est trop con que je parte l'an prochain... C'est le seul truc marrant à bosser, la radio...»

Je pousse un soupir et lève la tête vers le ciel. Ouais. De toute façon, quoique je décide, mon père ne me payera rien. Pas d'études. Sait-il seulement que j'existe ? Un peu, sans doute. Pas assez pour se préoccuper de mon avenir. Moi, je veux être animateur, ou chroniqueur humoriste. Faire du One-man, du talk-show... De la radio. Un truc drôle et fun, quoi. Pas me prendre la tête. Déconner tout le temps. Je veux juste faire rire les gens.

Je souris en l'écoutant défendre son futur petit ami. Évoquer Jonathan Around fait mouche à chaque fois. Je le soupçonne d'avoir un faible pour ce gars mais de ne pas se l'avouer. C'est vrai... Ben est fasciné par ce type. Il partage des cours avec lui et l'embête sans arrêt. Ca n'a pas l'air de déranger John mais si je l'ai déjà vu, quelque fois, le rembarrer. Apparemment, ils se sont vu pendant les vacances. Je devrais être jaloux ? Nan. J'y arrive pas. Et puis je sais aussi que John sera plus un jour. L'instinct. Il se sont vu juste entre amis ? Quel dommage ! Mais je ne suis pas certain que Jonathan soit aussi dévergondé que nous, ou alors il cache bien son jeu.

« Je ne me moque pas..." dis-je très sérieusement en le regardant quelques secondes avant de lui faire un gros smack. « Oh mon cher Ben, et si nous allions visiter les musées de Londres cet après-midi, nous nous arrêterons faire un pique-nique à Hyde Park et je te montrerai des traces de castor que nous pourrons admirer avec un microscope ! »

La sonnerie retentit au même et mon jeu se finit par une grimace.

« Ooooh non pas çaaaa t'as vu ce qu'on a en PREMIER le Lundi ? Maths ! Ils veulent vraiment tout faire pour que je sèche les cours ! »

Chris le savait à la manière dont Ben parlait de John en permanence. Et à la manière qu'il avait de l'embêter sans cesse. Et de s'intéresser à lui, de le défendre. Cette fois encore, ses éloges en étaient le parfait exemple. Chris rigola et donna un coup de coude à son acolyte.

« Fais gaffe, on pourrait croire que t'es raide amoureux de ton petit Johnounet à le défendre comme ça ! »

Chris lui fit un grand sourire empli d'innocence. De toute façon, nous avions des choses plus intéressantes à faire pour le moment... Sécher le premier cours était le meilleur moyen de commencer une bonne année ! D'ailleurs, avec toutes leurs fugues et leurs punitions, le jeune homme s'étonnait qu'ils ne se soient jamais fait renvoyés pour mauvaise conduite ou mauvais exemple, quelque chose du style. Son père s'en serait sûrement fichu, mais pas celui de Ben. Ce sale con ne laissait rien passer. Mais ça lui faisait les pieds d'avoir un fils avec un peu de caractère. Chris entoura les épaules de son meilleur ami et l'entraîna avec lui en dehors du baht avant qu'il ne puisse réfléchir d'avantage.

« Oui je sais, je suis vraiment un mauvais garçon... Il faudra me donner une fessée...»

Alors qu'ils avançaient sur le trottoir, Ben commença à évoquer quelque chose d'intéressant... La radio. Son rêve. Voler le père de Ben était une idée, mais pourraient-ils réellement le faire, comme ça, impunément ? Ne fallait-il pas des justificatifs ? Tout ça donnait déjà mal au crâne à Chris. Toutes ces responsabilités... Il n'avait pas l'habitude de se préoccuper de tout ça. Quel assisté il ferait ! Mais il savait qu'il pourrait squatter chez des gens, et vivre au jour le jour. C'était dans sa nature, aussi ne s'inquiétait-il pas trop.
Ben n'eut cependant pas le temps de finir ses explications, coupé par l'arrivée d'une furie. La claque partit aussitôt, et la fille repartit sans explications. Un long sifflement s'échappa des lèvres de Chris qui secouait sa main. Elles n'en rataient pas une... Enfin connaissant Ben, c'était plutôt lui qui n'en ratait pas une. Chris croisa les bras sur sa poitrine en se moquant ouvertement de son meilleur ami. Il secoua la tête.

« T'en rates vraiment pas une, mon pauvre vieux. Je crois que ça voulait dire : Pauvre con. Doublé d'un salaud. Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu t'en rappelles au moins, de celle-là On dirait qu'en dehors de John t'as passé un été mouvementé ! Quelle fille de Londres n'as-tu pas conquis ? »

Chris secoua la tête en riant suite aux explications de Ben. C'était vraiment un nul doublé d'un zéro avec les filles. Mais bon... Qui était Chris pour juger ? Lui-même connaissait l'appel de la chair et des plaisirs. Il savait la douceur des conquêtes d'un soir. En revanche, il n'avait jamais eu affaire à quelques conquêtes collantes et insatiables. Une histoire de filles, tout ça ! Vive les gay et leurs histoires de cul.

« En même temps tu t'attendais à quoi ? Elle n'allait pas t'envoyer des fleurs !» Chris rit de plus belle et lui donna une petite fessée. « De l'altruisme je sais pas, mais quand on voit ce qu'il y a en dessous on n'est pas déçu ! C'est bien une chose sur laquelle tu ne grossis pas les traits de l'histoire...»

Chris lui fit un clin d'oeil appuyé. C'était vrai. Pour avoir déjà couché avec Ben une fois ou deux, le jeune homme savait de quoi il parlait. D'ailleurs, Chris ne savait toujours pas comment il avait réussi à convaincre son ami d'accepter l'expérience. L'envie de faire de nouvelles découvertes et de ne pas mourir trop bête en la matière, sans doute. En tout cas, c'était toujours agréable quand on n'avait personne d'autre à se mettre sous la main et que l'on se sentait seul. Chris supposait que cela rendait leur relation vraiment unique. Vraiment forte et fusionnelle. Leur amitié dépassait tout entendement et pouvait même franchir les barrières les plus profondes de l'intimité.

Chris s'assit à côté de Ben sur les rails et tira sur le pétard que son ami venait de lui filer. Il se laissa tomber en arrière pour s'allonger en travers de la voie de chemin de fer, le regard rivé sur le ciel dégagé du mois de Septembre. La vie était belle, quand même, parfois. Surtout lors de ces moments de paix éphémère qui vous prennent par surprise. Chris posa un bras sur son front en écoutant ce que Ben avait à lui dire. Son plan tenait la route. Digne d'une belle arnaque. Mais Chris n'était pas surpris. A eux d'eux, ils adoraient embobiner les gens. Ils avaient juste une manière différente de procéder. Ben était réfléchie et calculé dans les grandes lignes. Prévoyant pour ce genre de détails. Chris, lui, jamais. Il ne savait même pas quels papiers il fallait présenter pour entrer à l'université.
Un jour, faudrait vraiment qu'il commence à bosser. Il ne réussirait rien dans cet état d'esprit. Mais avait-il réellement envie de faire quelque chose, au fond ? A part déconner, il ne voyait pas trop... La vie d’adulte l'ennuyait rien qu'en y pensant.

« Non, c'est clair que Monsieur Parfait s'en sortira sans une égratignure. »

Cela faisait longtemps que Chris n'en voulait plus à Matthew d'être le chouchou, le préféré, l'enfant prodigue. Monsieur Parfait. Pendant longtemps, Chris avait détesté Matthew. Il l'avait détesté de ne pas haïr leur mère autant que lui pour les avoir abandonné. Il l'avait détesté pour ne jamais se faire gronder. Il l'avait détesté pour accepter l'hypocrisie de leur père. Il l'avait détesté pour les cadeaux et les attentions qu'il recevait. Et puis, un jour, Chris s'était demandé à quoi lui servait cette haine et il avait décidé qu'elle ne lui apportait rien d'autre qu'un puits de souffrance. Matthew n'avait pas décidé d'être le préféré. Il n'était pas responsable de ce qu'on avait décidé pour lui. Et Matthew n'avait jamais cherché à rabaisser Chris, n'avait jamais profité de sa position. Il restait le petit frère, doux attentif.
Chris avait donc décidé de ne plus le détester. Ou de se forcer à le faire. Depuis, cela faisait moins mal.

« Tu ne dirais pas ça si t'avais vu le joli p'tit cul de Mathieu ! Je te jure, deux belles fesses bien rondes, bien fermes ! Et ses quelques muscles... Mmm. Un goût de revenez-y, même toi tu serais d'accord ! Et j'avoue, il était sympa en plus. Mais t'as de la chance, toi tu n'as pas qu'un joli p'tit cul, t'as aussi le mérite d'être toi. Ca te donne tous les avantages. »

Chris lui rendit son joint et se redressa pour passer un bras autour des épaules de son ami.

« Ton plan me paraît idéal. C'est toi le cerveau des opérations, et tu sais que j'ai une totale confiance en toi. Je ne sais pas quels sont mes rêves, tu sais. Au fond, j'ai pas envie de m'en soucier pour le moment. On a qu'à profiter de la journée... Et jouer à ceux qui ne craignent pas la mort ! »

Chris se mit debout en équilibre sur une raille et écarta les bras en commençant à marcher.

« En avaaaaant vers l'horizon ! Droit devant nous ! »

Chris a raison sur ce point. C'est presque devenu un principe de vie. Je m'oblige à être incollable et inventif sur le sujet. Il faut reconnaître que c'est une source de plaisir intarissable et que cela me permet de ne penser à rien pendant quelques instants, ou toute une nuit pour les bons jours. C'est une étrange façon de me sentir désiré. La réputation de pervers ou de gigolo qui en découle m'indiffère. C'est la compagnie qui me convient. Avoir une fille près de moi tous les soirs. Ne pas dormir seul. Puis agir comme un connard, pour les forcer à me larguer : Surtout, ne jamais s'attacher. C'est mon cercle vicieux. Celui qui me rassure. Qui me fait me dire : "Personne ne peut réellement m'aimer. Cela m'arrange, la vie est bien plus simple sans amour." Je suppose que le point positif, c'est qu'il vaut mieux faire l'amour que me tailler les veines.

Je souris à Chris en reprenant mon joint. Cette herbe ne vaut rien. Je ne vois pas la vie plus en rose. Au contraire. Je suis un putain de dépressif en sursis, alors la drogue, ça ne me réussit pas. L'alcool me rend joyeux, me fait tout oublier. Mais le speed, ou la cocaïne, ça exacerbe tout ce que j'essaie de cacher. En fait, la seule fois où je n'ai pas fait de bad trip, c'était avec John, cet été... Peut-être que je me sentais en sécurité avec lui. Je regarde le joint, d'un air perplexe. Pourquoi faut-il que je ramène toujours tout à lui ? Il m'obsède plus que le cul de notre prof de dessin.

J'éclate de rire.

"Je ne suis pas sûr de trouver le cul de ce Mathieu aussi beau que celui de Mademoiselle Lara Perkins. Mais tous les goûts sont dans la nature. Je suis content de savoir que tu ne m'as pas abandonné pour un type quelconque, je l'aurais vraiment mal pris sinon, je lui souris et je reste contre lui. Chris est bien la seule personne qui a le droit de me toucher, tant que tu me promets de ne pas me larguer pour ses beaux yeux, tu peux passer tout l'été avec un autre, mon chéri. L'amitié avant les plans culs."

Je hoche la tête, me lève et le suis. Je lui rends le joint sans y toucher.

"Pas besoin de jouer. On ne craint pas la mort ! Sans elle, comment pourrait-on savoir que nous sommes en vie ?"

Je saute sur l'autre rail et j'écarte les bras à mon tour.

"Chris... Cet été, tu as raté beaucoup trop d'événements. Et comme je n'ai pas de portable, je n'ai rien pu te raconter. Il est grand temps de rattraper tout ceci ! J'ai entraîné John dans une affaire de vol de cocaïne qui appartenait à un gang espagnol. Ils n'ont pas apprécié l'aventure plus que ça et quelques jours avant la rentrée, ils ont réussi à me retrouver. Ils ont éventré notre stupide chat pour faire peur à ma belle-mère. Tu te doutes qu'ils ont réussi, même si nous faisions tous semblant d'apprécier cette créature poilue et que sa mort était un soulagement. Elle s'est empressée de tout raconter à mon père. Bien entendu, sous prétexte que j'avais mis en danger l'ensemble de notre belle et heureuse famille, c'est moi qui ai remboursé la drogue que j'avais volé et qui ai fini à l'hôpital avec huit points de suture sur la cuisse et une luxation à l'épaule. Et tu n'étais même pas là pour me réconforter."

Je lui souris joyeusement et j'attrape sa main pour le faire descendre du chemin de fer. Je l'emmène vers la forêt. Il n'y a pas de sentier, mais nous avions l'habitude de venir ici lorsque nous étions gamins. Au bout du chemin, il y a notre ancien fort. Avant d'y parvenir, je m'arrête, je passe derrière Chris et je pose mes mains sur ses yeux.

"Pendant ma convalescence, j'ai repensé à notre Château et je me suis dit que c'était dommage de laisser un endroit comme celui-là à l'abandon. Déjà parce que c'est un piège à fille monumental et en plus... Parce que j'avais envie de passer le temps dans un endroit agréable."

J'avance lentement avec lui puis je découvre ses yeux une fois que nous sommes arrivés à destination. Notre fort est toujours debout, je me suis contenté de le nettoyer. D'y ajouter des coussins, des couvertures, des bougies, un rideau en guise de porte. Une glacière sur le toit, à côté de deux chaises, pour boire des bières en admirant les étoiles. J'ai emmené quelques livres, une vieille machine à écrire, du papier et un poste de radio vintage. Et comme avec Chris, je suis romantique, j'ai ajouté des guirlandes multicolores. De jour, ce n'est pas aussi impressionnant que de nuit, mais je sais que ça lui plait.

"J'ai bien sûr pensé aux paquets de chips et aux bonbons. Nous pourrions vivre ici au moins trois jours. Alors, qu'est-ce que tu en dis ? Notre dernière année de lycée s'annonce merveilleuse, non ?"

Je lançai un regard à Ben. Ah... Pourtant le cul de Mathieu était ma perfection ronde et ferme. Sa peau était douce et fine, ses courbes bien définies... Quant au reste... Hum. Un délice. Rêveur, mes yeux se perdirent dans les nuages qui prenaient des formes rêveuses, paresseuses. Lorsque je fumais, j'étais toujours dans le même état. Détendu. Tout paraissait beaucoup trop lent mais m'apportait une quiétude certaine et apaisante. Les soucis les plus sombres de ma vie s'envolaient. Malheureusement, comme avec l'alcool, la retombée allait être rude. A chaque fois, les idées noires me rattrapaient lorsque je dessaoulais, ou lorsque je reprenais pied avec la réalité. Pour bien faire, il aurait fallu être stone H24. C'était peut-être ça la solution. Un peu comme Angel. Mais je n'étais pas certain que ce type soit très heureux. Moi, le but de ma vie, c'était de ne jamais me soucier de rien. De vivre au jour le jour. De ne pas grandir. De trouver le bonheur intarissable.

Je passai un bras autour de Ben et posai ma tête contre la sienne. Bordel j'aimais ce gars. Il était mon double, il me complétait, il était toujours là pour tout, tout le temps.Je secouai la tête à ses paroles. Nan, ça... Jamais je l'abandonnerai. Ni pour Mathieu, ni pour personne. Ben resterait le Number One. Celui qui pourrait m'appeler à toute heure du jour et de la nuit et pour lequel j’accourrai au galop. Pour lequel j'étais prêt à déplacer des montagnes. C'était l'homme de ma vie. A la grande différence, nous ne serions jamais en couple, nous ne serions jamais amoureux. Mais c'était nous. Pour toujours. C'était une certitude, même si le temps nous séparait. Je savais qu'une amitié comme celle-ci, c'était pour la vie. Je frottai ses cheveux.

« Jamais je t'abandonnerai. » je me levai et me mis en équilibre sur une rail. J'écartai es bras et hurlai : « JAMAIS JE NE LAISSERAI TOMBER BEN ANDERSOOOON ! »

L'écho de ma voix se répercuta autour de nous, se heurtant contre le silence absolu de la voie ferrée. Je ris et lui tendis les mains pour qu'il se relève à mes côtés. Je lui lançai un regard et saisis sa main tendue de l'autre côté du rail. Non, en effet, comment savoir que nous étions en vie ? Il fallait vivre pour le savoir. Vivre pleinement, faisant fi des risques improbables.
Ses paroles mirent du temps à monter jusqu'à mon cerveau. J'avais terminé le joint, et tout me paraissait distendu. Je ne me souciai de rien, pas même de ses aventures estivales. Je lui fis un grand sourire amusé. Il avait le don de raconter les pires histoires d'un ton détaché et désinvolte, il fallait bien le dire. Je lui tirai la langue.

« Fallait pas chercher les noises, tu sais pourtant que les espagnols sont des fous furieux ! Faut pas approcher ces types à moins de vingt mètres, distance de sécurité ! ... Et puis logé et nourri à l'hôpital...Avec de belles infirmières. On peut pas dire que c'est pas une vie de pacha, hein ? »

Je lui donnai un coup de coude et m'élançai avec lui dans la fprêt, suivant ses mouvements et ses pas. J'avais l'impression de traverser le temps et l'espace tellement nous allions vite. La route m'était pourtant familière. Et les odeurs chatouillaient mes narines. Nous nous arrêtâmes non loin d'une rivière qui glougloutait dans son lie. Je sentis les mains de Ben venir se plaquer sur mes yeux et je ne pus m'empêcher d'éclater de rire. Quels gamins. Je posai mes propres mains sur les siennes et me laissai guider. Je souris à ses paroles, me doutant de l'endroit où nous nous rendions. Nous ne l'avions pas investi depuis des années. Notre cabane.
Il baissa ses mains et j'ouvris les yeux. Le fort était là. Intact, ou presque. La structure était restée la même, et des touches de conforts avaient visiblement étaient ajoutées. Notre refuge, notre cabane. Je posai ma main sur l'échelle avant de tourner la tête vers Ben, sourire aux lèvres.

« Ici, personne ne viendra jamais nous dénicher, mon Colonel. »

Je posai un pied sur l'échelle pour prendre de l'élan et me jeter au cou de Ben pour lui faire un câlin de la mort, l'étouffant à moitié dans mon étreinte. Le temps ne devait pas avoir d'emprise sur ça. Sur l'enfance, les jeux, les sentiments à l'état pur et brut. L'expression de l'amitié la plus sincère et la plus forte.

« C'est pas très viril de faire la déco, mon gros nounours ! » je me redressai et montai cette fois-ci dans le fort pour revisiter les quelques retouches confortables. Nous pouvions vivre ici le temps que l'été durait encore. Ne plus répondre de rien, ni de personne. Qui s'en inquiéterait, de toute façon ? Nous n'avions que nous. Je pris un paquet de chips et l'ouvris. Fumer, ça donnait faim aussi. « Quand je serai grand, je vivrai ici. Ce sera ma maison ! Gratuite, sympa, éloignée de tout.... Bon c'est sûr que si tu passes ton temps à venir baiser sur le tapis, ce sera un peu bizarre, mais bon, qui suis-je pour juger les élans de la jeunesse ! Tu pourras amener ton John ici, plan drague assuré ! Je suis sûr qu'il kiff ce côté un peu gamin... Et puis tu peux lui montrer les étoiles, ça le séduira ! Il a l'air un peu sentimental au fond de lui, non ? Enfiiiiin pas sûr qu'il sache ce que c'est, le sentimentalisme... »

Chris, c'est le meilleur ami idéal. Celui qui dirait de réaliser tous tes rêves, même les plus dingues. Celui qui te donnerait un rein si ça pouvait te sauver la vie. Celui qui te resterait loyal jusqu'à la fin de ses jours pour peu que tu te donnes la peine d'être loyal envers lui. Je l'aime plus que je n'aimerais jamais quiconque, mais bon sang, la Marijuana, ça ne lui réussit pas !
Cela dit, j'aurais dû m'en douter, il est exubérant de naissance. La drogue, ça ne fait qu'exacerber ce trait de sa personnalité. Je suppose que je suis mal placé pour penser une telle chose mais... Nous ne possédons pas la même exubérance. Il est un clown dans l'âme alors que je suis un emmerdeur chronique. Il fait rire, alors que je me fais juste remarquer. Dieu n'aurait jamais dû nous réunir. À nous deux, nous sommes les pires casse-couilles de l'Univers.

Il me lâche après une étreinte interminable. Je ne me formalise pas de ce comportement chez Chris. Je m'y suis habitué... Mais sans alcool, il m'est impossible de trouver ça agréable. La tendresse lorsqu'elle est sincère, ce n'est pas mon truc, même si je reconnais que les câlins de Chris ont un aspect réconfortant...

"Tu n'aimes pas que je laisse ma féminité s'exprimer à travers ma passion pour la décoration d'intérieur, mon lapin ? Et moi qui pensais que tu m'acceptais tel que j'étais !"

Je lui donne un coup dans l'épaule avant de prendre des chips.

"Je n'ai aucune envie de séduire John... Tu vois, toi, je t'aime comme un frère ... Et un peu plus si affinités. Avec John, ça n'a rien à voir. Ce n'est pas de l'attirance physique ou sexuelle, ce n'est pas de l'amour, c'est... Autre chose, c'est plus profond... Ah putain, tu as raison. On dirait une gonzesse."

Je m'allonge sur les coussins près de lui. Même moi, je ne suis pas certain de comprendre ce qui me relie à John, alors l'expliquer à Chris relève de l'impossible. Ce qui est sûr, c'est que les deux me sont indispensables, mais pas pour les mêmes raisons.

"Ne le critique pas. Il est peut-être moins sentimental et expansif que toi, mais lui au moins il ne m'encourage pas à boire huit shots de tequila avant de faire un strip-tease sur le comptoir d'un bar. Tu es le petit diablotin farceur sur mon épaule, et John est le petit ange sérieux. Avec un peu de chance, je vais devenir un mec équilibré maintenant que je vous ai tous les deux."

Je crois que cette conclusion est optimiste. Aucune chance de m'améliorer si je dois bosser pour mon père, même avec John et Chris à mes côtés. Ma vie est une tragédie. Je ne parviens pas à me défaire de mon Destin funeste. Alors, j'ai cessé de me débattre... Pour l'instant.

"Chris, j'ai deux trucs à t'annoncer qui ne vont pas te faire plaisir... D'une, je suis tombé enceinte lors de nos derniers ébats, mais ne t'en fais pas, je me suis fait avorter hier. De deux... Je nous ai inscrits au club de danse au lycée... Et, tu n'as pas le droit de te défiler, tu vas danser avec moi, sinon tu serais le PIRE Meilleur ami du monde !"