Et si tu n'existais pas... Ft Damon

Tel le diabolique serpent dans le jardin d'Eden, il me susurre des mots doux et me pousse à prendre des décisions allant à l'encontre de mes principes. Par sa faute, des sentiments que je pensais ne plus posséder refont surface. Parfois, un élan de compassion m'empêche de crier sur notre femme de ménage, ou lorsque dans un moment d'inattention, je présente mes excuses à quelqu'un que je viens de percuter dans la rue. Je ne suis plus celui que j'étais. Que deviendrais-je sans ma haine ? Sans ma méchanceté ? Sans mon arrogance ? Un lâche faible, ennuyeux que personne ne respecte. Hors de question que cela arrive. Peut-être devrais-je mettre fin à cette relation avant qu'il ne soit trop tard.

"Pourrais-je savoir qui t'a donné la permission de bouger, Porky ? Tu me déranges en pleine réflexion."
L'élève qui me sert de repose-pieds se tortille. Je lui donne un coup de talon et je repose mon livre. Le prince heureux d'Oscar Wilde. Le foyer est désert. J'ai expressément fait sortir tous les secondes bruyants pour pouvoir lire en paix. Tous, sauf Porky.
"Pardon mais j'ai vraiment envie d'aller aux toilettes..."
Il tremble, et je reconnais que voir le mélange de terreur et de soumission dans ses yeux m'excite. Malheureusement, une pensée pour Valentin m'empêche de profiter pleinement de cet instant. Ce barbare aussi stupide que bienveillant m'exaspère.
"Je n'ai pas bien entendu. Qu'as-tu dit ?"
"Monsieur Isidore, je suis désolé de vous interrompre. Est-ce que je peux aller aux toilettes, s'il vous plaît ?"
Je glisse une cigarette entre mes lèvres et je lui souris.
"Si tu couines comme le gentil petit cochon que tu es et que tu vas me chercher un café, je te laisserais peut-être partir."
À contrecœur, il obéit. Au bout de quelques minutes qui ne me paraissent pas aussi réjouissantes qu'elles devraient l'être, je retire mes pieds de son dos. Il cherche à se relever. Je secoue la tête et j'allume ma cigarette.
"Les cochons se déplacent à quatre pattes jusqu'à preuve du contraire, non ?"

Ce qui est amusant avec la peur, c'est qu'il suffit de l'inspirer une seule fois pour l'instiller à vie. Ce gosse fait deux fois ma carrure, mais il n'oserait jamais s'en prendre à moi. Quel dommage. S'il me plaquait contre le mur en m'insultant, peut-être que... Bon sang, je dois m'enlever Valentin de l'esprit.
Porky se déplace à quatre pattes jusqu'à la machine à café. Il me le ramène, tant bien que mal. Je le prends. La porte du foyer s'ouvre.
Damon fait son entrée.

"Tu peux t'en aller." Porky tente de se redresser une nouvelle fois. "Hep, hep, hep. T'ai-je autorisé à marcher, petit cochon ? Avant que tu partes, je vais t'enseigner la discipline." Je pose mon gobelet de café sur sa tête. "Apporte-le à notre invité, sans le faire tomber et tu auras le droit de te relever." À peine un pas de plus et il renverse l'intégralité du café dans ses cheveux. Il pousse un cri. Sa douleur me déclenche à peine un sourire. "Quelle déception."

Porky lance un regard de détresse à Damon. Peut-être dans l'espoir qu'il lui vienne en aide. Oh oui. Fais quelque chose, Capitaine. Punis-moi.

"Damon, c'est toujours un plaisir de te voir. Navré de ne pouvoir t'accueillir avec une boisson chaude, mon nouvel ami est d'une maladresse impardonnable."